LA LOI n°18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier a, est précise à ce propos. Un expert de la Commission budgétaire du ministère des Mines a expliqué à « Business et Finances » que la mouture initiale de la loi n°18/001 du 9 mars 2018 indiquait à son article 33 ce qui suit : « L’accès à l’exploitation d’un gisement étudié, documenté ou travaillé appartenant à l’État, obtenu par appel d’offres, est conditionné par le versement d’un pas-de-porte à ce dernier, représentant 1 % de la valeur en place dudit gisement ». Par ailleurs, « la valeur en place du gisement est définie comme étant le prix obtenu pour ledit gisement dans le cadre de l’appel d’offres. Lorsque le gisement a été étudié, documenté ou travaillé par une société commerciale appartenant à l’État, le pas-de-porte est réparti entre l’État et ladite société commerciale suivant les modalités déterminées par voie réglementaire. »
Taxe non remboursable
En pratique, un pas-de-porte constitue des revenus que les entreprises minières du portefeuille de l’État perçoivent de leurs joint-ventures minières au titre de droit d’entrer en affaires avec elles. Il sied de noter que le concept pas-de-porte n’a pas été repris dans le chapitre Ier portant sur les définitions des termes dans le code minier de juillet 2002.
Cependant, dans le code révisé promulgué en mars 2018, le pas-de-porte est défini comme « une taxe non remboursable perçue par l’État, en cas d’appel d’offres, au titre de rémunération des efforts initialement consentis ou fournis par l’État ou une entreprise minière de son portefeuille pour découvrir un gisement considéré dès lors comme étudié, documenté et travaillé ou un gisement repris par l’État après extinction d’un droit minier d’exploitation, conformément aux dispositions du présent code ».
Il y a environ 10 ans, lors d’une audition à l’Assemblée provinciale de l’ex-Katanga, l’alors administrateur délégué général adjoint de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), Mukasa, a été plus imaginatif : « Le pas-de-porte est comme le droit de prédot dont jouissent les parents ». L’on aurait dit plutôt des parrains, car le pas-de-porte a longtemps fait l’objet d’une gestion opaque.
En 2009, à la suite de la révisitation des contrats miniers, la République démocratique du Congo avait récupéré quelque 315 millions de dollars en termes de pas-de-porte, selon Martin Kabwelulu Labilo, le ministre des Mines, lui-même. Hélas, cet argent n’aurait jamais pris la direction du Trésor public, selon des rapports de différentes mouvances de la société civile. En 2015, le gouvernement tablait sur des revenus de près de 20 milliards de nos francs ((19 821 900 000 FC pour être précis) de pas-de-porte sur la révisitation des contrats miniers. Il semble qu’aucun centime n’a pris la direction du Trésor public.
En 2016, dans le budget de l’État, il était inscrit 14 262 358 553 FC, mais l’État n’aurait rien perçu non plus. L’on se rappellera d’ailleurs des révélations de l’ONG britannique Global Witness, encore elle, début 2017, selon lesquelles des pas-de-porte devant bénéficier à la GECAMINES auraient pris une autre destination que celle du Trésor public. Environ quelque 75 millions de dollars en tout. L’homme d’affaires israélien Dan Getler était singulièrement mis à l’index dans ce rapport.
Global Witness atteste également que la firme suisse Glencore dont Kamoto Copper Compagny (KCC) est l’une des filiales, a déclaré avoir opéré des versements de pas-de-porte pour les exercices 2013-2016 à la firme Africa Horizons Investment Limited « conformément à l’instruction de paiement de GECAMINES et des accords tripartites de royalties entre GECAMINES et AHIL ».
Défaut d’acte réglementaire
Cette année, alors que le budget de l’État n’affiche aucun chiffre dans les prévisions des recettes de pas-de-porte miniers, la Commission budgétaire du ministère des Mines fait part du montant de 17 553 900 000 FC, au titre de la quotité des pas-de-porte.
Dans le rapport de l’exécution de la loi de finances 2017, la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD) note que « la contreperformance dans la réalisation des recettes non fiscales s’explique notamment par les difficultés d’encadrement des pas-de-porte et royalties, faute d’un acte réglementaire fixant la procédure de déclaration et les modalités de répartition ».
Et voilà qu’aucun montant n’a été prévu en 2019 comme prévisions des recettes des pas-de-porte. Selon la Commission budgétaire du ministère des Mines, les pas-de-porte relèvent désormais des « recettes exceptionnelles ». Un argument discutable, a estimé, en juin dernier, la société civile lors des conférences budgétaires préludes à l’élaboration de la loi de finances qui englobe notamment le budget de l’État.
D’autant plus que le budget de l’État dispose d’une rubrique des recettes exceptionnelles comportant des prévisions des recettes. Pour l’exercice 2018, par exemple, l’État a chiffré à 75 milliards de nos francs les recettes exceptionnelles à travers des produits d’emprunts intérieurs. En 2016, le budget prévoyait 93 345 000 000 FC mais aucun rond n’est venu.
Il est cependant vrai que le poste de « recettes exceptionnelles » est irrégulier dans le budget. En 2015 et 2017, il n’y a pas figuré du fait du « caractère aléatoire » de la perception de ces recettes. Il s’agit notamment des partenariats publics-privés, des contrats BOT [Build (construire), Operate (gérer) et Transfer (céder à l’État)] ou encore du troc à l’image du contrat chinois.
Autre motivation évoquée par la Commission budgétaire du ministère des Mines pour ne pas prévoir d’assignation sur les pas-de-porte est « le dernier alinéa de l’article 33 bis de la loi n°18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier qui dispose que lorsque le gisement a été étudié, documenté ou travaillé par une société commerciale appartenant à l’État, le pas-de-porte revient à 100 % à cette société ».
Pour autant, estiment des experts, il est quand même curieux que le gouvernement intègre dans le budget des prévisions des recettes extérieures dont le décaissement s’avère laborieux mais s’interdit d’admettre les prévisions des pas-de-porte alors même des investisseurs miniers s’annoncent en nombre considérable en RDC. Pour mémoire, la RDC compte à ce jour 4 entreprises minières qu’elle contrôle à 100 %, la Générale des carrières et des mines (Gécamines ou GCM), la Société de développement et d’investissement miniers du Congo (SODIMICO), la Société minière de Kilo-Moto (SOKIMO) et l’Entreprise minière de Kisenge Manganèse (EMK-Mn). La Minière de Bakwanga (MIBA) appartient à 80 % à l’État.
La Société civile qui avait boycotté les travaux de la IIIème Conférence minière de Kolwezi au Lualaba recommande la relance des entreprises minières publiques. Et pour ce faire, elle suggère une évaluation de la réforme de 2008 et des programmes de relance des activités de production des entreprises publiques, sans oublier la mise en place des sanctions contre les mandataires corrompus et non productifs.