Les Etats-Unis ont entamé leur 100e mois de cycle haussier. Le Dow Jones, l’indice fétiche des bourses américaines, a franchi les 23.000 points. La valeur de toutes les actions cotées de la planète dépasse le PIB mondial. Sommes-nous à la veille d’une rupture brutale des marchés financiers ? Philippe Waechter, chef économiste de Natixis Asset Management, répond à nos questions.
Beaucoup d’experts évoquent un possible krach boursier. Voyez-vous des signes ?
ν Plusieurs éléments indiquent qu’un krach n’est pas à exclure. On observe un attrait des particuliers américains pour les marchés boursiers, ce qui n’est pas un signe favorable. La valorisation des marchés est particulièrement élevée, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Les marchés d’action ou d’obligation corporate sont tendus. La question d’un krach, se pose, en effet. Mais dans le même temps, les prévisionnistes du FMI et d’ailleurs sont plutôt optimistes. La croissance mondiale est là, l’inflation n’est pas pour demain et lestaux d’intérêt vont rester bas. C’est plutôt rassurant.
Quelle est l’étincelle qui pourrait déclencher une surchauffe ?
ν Le krach boursier se déclenche quand quelque chose se dérègle par rapport à la situation du moment. Dans la situation actuelle, l’étincelle pourrait venir d’une évolution des taux d’intérêt ou d’un indicateur suggérant que la dynamique actuelle n’est pas pérenne.
Si les banques centrales montent leurs taux de façon brutale et intempestive, elles peuvent déclencher le krach en modifiant brutalement et violemment les anticipations des investisseurs. Jusqu’à présent, les banquiers centraux font le nécessaire pour maintenir des taux bas et éviter une rupture. Elles veulent éviter toute rupture dans les anticipations des investisseurs et c’est pour cela qu’elles communiquent de manière dense et très en amont. Elles ont raison car tout le monde sait qu’il y a un risque.
Seule la Banque d’Angleterre a menacé d’une remontée de ses taux moyens en novembre car l’inflation tourne autour de 3 %. Une décision isolée comme celle-ci risque de créer de l’hétérogénéité dans les comportements des banques centrales. Car si l’Angleterre remonte ses taux, pourquoi d’autres banques centrales ne le feraient pas ailleurs ?
Que devraient faire les banques centrales en cas de krach ?
ν Après les krachs boursiers de 1987 et de 2008, les banques centrales ont sacrifié leurs taux d’intérêt afin d’apporter de la liquidité et ainsi limiter l’effet de contagion de la chute des marchés boursiers sur le reste de l’économie. Aujourd’hui, le taux directeur de la Fed est à 1,125 %, celui du Royaume-Uni à 0,25 % et le taux de refinancement de la BCE est à zéro. Globalement, les banques centrales n’ont ni la capacité ni les moyens de réagir en cas de rupture brutale car les taux sont déjà très bas.
Sommes-nous sans solution ?
ν Il faudrait trouver une autre recette. Mais d’une certaine manière nous sommes coincés. Les banques ont utilisé les deux instruments à leur disposition : les taux d’intérêt et les rachats d’actifs. Il faudrait en trouver un troisième. Reste à savoir lequel.
Propos recueillis par Kévin Badeau