Ce sont des experts du ministère de la Santé publique qui ont révélé cette information, reprise dans un document officiel rendu public lors des conférences budgétaires 2018. Hélas, l’on n’en sait pas plus sur la nature de ces « produits toxiques… nuisibles à la santé de la population ». Toutefois, des experts du ministère du Commerce extérieur ont confirmé qu’il y a trop « d’interférences dans le circuit de mobilisation des recettes du secteur et une multiplicité des exonérations ». Dirigé par un ministre issu des rangs de l’opposition, Jean-Lucien Bussa Tongba, le ministère du Commerce extérieur a « difficile à convaincre les opérateurs économiques suite aux interférences politiques ».
Rien à signaler
Le ministère de l’Environnement et du Développement durable aurait pu tirer au clair cette affaire des produits d’origine toxique au regard de ses prérogatives. Mais les inspecteurs de ce ministère se sont heurtés à une « interdiction d’accès à certaines concessions… ainsi qu’au trafic d’influence qui permet aux propriétaires desdites concessions d’échapper à leurs obligations d’assujettis ».
À titre de rappel, le portefeuille de l’Environnement et du Développement durable est occupé par un autre membre de l’opposition, Ahmy Ambatobe Nyongolo. D’autres ministères et services de l’État que l’affaire des produits toxiques devrait, sinon aurait dû préoccuper, ont malheureusement brillé par leur absence aux conférences budgétaires, déplore cet activiste de la société civile qui a pris part à ces assises. Il s’agit notamment des ministères de l’Intérieur et de la Sécurité nationale, du Plan, des Finances ainsi que des Cours, tribunaux et parquets.
D’ailleurs, dans la loi de finances publiques 2018, les experts du ministère du Budget ont reconduit des prévisions en recettes et en dépenses de l’année précédente pour les institutions précitées, sinon ils leur ont collé un forfait. À ce jour, toutes les démarches de Business et Finances pour faire la lumière sur cette affaire n’ont guère rencontré des sources manifestant une réelle volonté de faire éclater la vérité.
État-poubelle
La République démocratique du Congo dispose cependant d’un service, le Programme national de lutte contre les toxicomanies et les substances toxiques (PNLCT) dont l’une des missions est d’assurer la prévention de l’intoxication contre les substances chimiques, les recherches toxicologiques et le suivi. Hélas, son budget de fonctionnement fait cruellement défaut. Ce n’est un secret pour personne que le continent africain sert de « poubelle chimique » à certains industriels qui achètent la conscience des décideurs politiques pour enfouir ou déverser des produits toxiques sur leur territoire.
L’opinion se souviendra de l’affaire du Probo Koala en Côte d’Ivoire, du nom de ce cargo affrété par la multinationale Trafigura, qui a répandu des décharges toxiques autour d’Abidjan en août 2006. Bilan : 17 morts et 43 000 intoxications. Il a fallu attendre une décennie pour que les sites intoxiqués soient décontaminés. En RDC, des pétroliers producteurs déversent ou enfouissent également leurs résidus toxiques dans le Bas-fleuve au Kongo-Central.
Il sied aussi de rappeler que parmi les faits générateurs de recettes du ministère de la Santé publique, il y a des taxes diverses non douanières sur le commerce extérieur, parmi lesquelles la taxe de contrôle des produits d’origine toxique, soporifique et stupéfiante dont les recettes ont dépassé leurs assignations ces trois dernières années. En 2015 et 2017, l’État en a perçu plus de 6 milliards de francs et les prévisions pour l’exercice 2018 dépassent les 11 milliards, soit près de 70 % des prévisions totales du ministère de la Santé publique pour l’année en cours, évaluées à 18.2 milliards de francs.