Pourquoi il faut publier les contrats miniers, pétroliers et gaziers

Avant l’entrée en vigueur de l’Exigence 2.4, l’OCDE a actualisé ses Principes directeurs pour la négociation des contrats durables sur une base équitable à l’intention des gouvernements et des investisseurs, et Publiez Ce Que Vous Payez a lancé une nouvelle campagne mondiale pour soutenir la transparence dans les activités extractives.

IL Y A EU beaucoup de débats sur la transparence des contrats dans les industries extractives. Et il y en aura encore. Dans tous les cas, comme le laisse entendre

Lisa Sachs, la directrice du Centre Columbia sur l’investissement durable, ces débats donnent l’occasion d’examiner le rôle combien important que la transparence des contrats peut jouer dans le renforcement de la gestion de recettes publiques essentielles.

La date du 1er janvier 2021 « représente une étape clé », estime Don Hubert, le président de Resources for Development Consulting. « La transparence des contrats instaure une bonne gouvernance – le fait de savoir que les conditions contractuelles relèvent du domaine public rend les intervenants plus prudents », explique-t-il. De ce point de vue, souligne-t-il, la publication des contrats est particulièrement est une urgence à l’ère du Covid-19. 

Comment ? « Face aux pressions économiques croissantes, les gouvernements sont plus enclins à offrir des concessions fiscales afin d’obtenir des investissements extractifs. 

Ces concessions pourraient avoir des répercussions sur une décennie et doivent être examinées de près », avertit Don Hubert.  Et de poursuivre : « Nous ne voulons pas seulement savoir quels montants ont été versés ; nous voulons connaître les raisons des versements. La seule façon de répondre à ces questions est de comprendre les modalités du contrat. » 

Instaurer la confiance

Trente-sept pays mettant en œuvre l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) publient déjà les contrats, en totalité ou en partie. En Sierra Leone, par exemple, Francess Alghali, ministre d’État, déclare que les réformes juridiques étaient essentielles pour que les accords miniers du pays soient rendus publics. Depuis, les publications ou divulgations ont pour effet d’atténuer les tensions (conflits) entre gouvernement et entreprises. Pour l’industrie, la divulgation des contrats peut instaurer la confiance et renforcer l’acceptabilité sociale de l’exploitation par une entreprise. Mark van den Honert, gestionnaire fiscal de la politique mondiale chez Shell International B.V., explique que les déclarations fiscales de l’entreprise ont aidé à établir le montant des revenus versés par Shell aux pays hôtes. À elle seule, Shell a payé en 2019 plus de 13 milliards de dollars en impôts sur le revenu des sociétés et en redevances, précise-t-il. Shell est partie à certains contrats qui sont déjà divulgués dans un certain nombre de pays mettant en œuvre l’ITIE. 

Don Hubert, le président de Resources for Development Consulting, souligne que les contrats peuvent être utilisés pour s’assurer que les systèmes publics fonctionnent efficacement. « Nous travaillons dans des pays où les autorités fiscales, les institutions supérieures de contrôle et les Parlements n’ont pas accès aux contrats. Cependant, les fonctionnaires doivent avoir accès aux contrats pour faire leur travail », explique-t-il. En Sierra Leone, par exemple, la transparence des contrats est utilisée pour renforcer la redevabilité et améliorer les négociations. Tenez : un contrat minier faisait l’objet d’une enquête par la Commission anti-corruption du pays, à la suite de sa divulgation préalable. Entretemps, un contrat avec SL Mining était en cours de négociation avec le gouvernement, en particulier sur les conditions liées à la mobilisation des ressources. 

Toutefois, pour que la divulgation des contrats soit significative, il faut un espace sûr permettant de les examiner. En Sierra Leone, la loi sur le droit d’accès à l’information donne la possibilité aux citoyens et aux groupes de défense de mettre en cause les contrats sans crainte de représailles. Il faut donc une législation créant des conditions favorables pour permettre à la société civile de bien faire son travail. 

Le rôle de la société civile

En Mongolie, la société civile a joué un rôle clé dans la campagne en faveur des accords de développement communautaire (ADC). Ils sont négociés directement avec les administrations locales pour s’assurer que les communautés bénéficient des projets d’investissement. La Mongolie a ensuite mis en place 88 nouveaux ADC entre 2012 et 2019. « En étant en mesure d’accéder aux ADC, les citoyens mongols peuvent assurer la responsabilisation des entreprises et des administrations locales », fait remarquer Tur-Od Lkhagvajav, le coordonnateur national de Publiez Ce Que Vous Payez/Mongolie. D’après lui, l’accent doit être mis dans le suivi des contrats. « Les citoyens peuvent accéder aux contrats via le portail en ligne de la Mongolie, conçu pour répondre à divers besoins d’accessibilité. »  

Au moyen de la modélisation financière, les contrats peuvent également servir à estimer les revenus futurs générés par le secteur. Au Liban, par exemple, ce type d’analyse a été un outil important pour gérer les attentes concernant les revenus pétroliers très attendus. « Cela nous a vraiment aidés à réorienter la discussion sur la signification de ces revenus », indique Diana El Kaissy, la directrice générale de Lebanon Oil and Gas Initiative/Initiative pétrolière et gazière du Liban (LOGI). Et d’ajouter : « Nous avons réfuté le mythe selon lequel l’argent du pétrole sauvera le Liban et nous avons aidé les décideurs à se concentrer sur les réformes urgentes. »

Le potentiel du secteur extractif à contribuer aux futures recettes fiscales pourrait bien dépendre des contrats qui sont négociés aujourd’hui et du niveau de transparence qui est appliqué au processus de passation des marchés. D’où également l’importance de la publication d’anciens contrats. « Les contrats les plus importants pour la prochaine décennie de mobilisation des ressources nationales sont ceux qui ont déjà été signés », insiste Don Hubert. 

En plus d’exiger que les contrats conclus ou modifiés à partir du 1er janvier 2021 soient rendus publics, la Norme ITIE encourage également les pays à publier les contrats signés avant cette date. Pour nombre d’experts et d’observateurs, avec une forte convergence de vues sur les avantages de la transparence des contrats, il faudrait maintenant mettre ces exigences en pratique et utiliser l’information sur les contrats pour éclairer le débat public et la prise de décisions sur les politiques à suivre. Dans le cadre de la Semaine de la transparence des contrats de l’ITIE, les rencontres ont permis de souligner la valeur de la divulgation des contrats dans les 55 pays mettant en œuvre l’ITIE.