Pourquoi y a-t-il tant de recours dans l’attribution des marchés publics ?

Selon les experts du CRD, les principaux motifs de recours dans la phase d’attribution des marchés sont le conflit d’intérêts allégué dans le chef d’un candidat ou d’un soumissionnaire, la mauvaise application des critères de qualification ou d’évaluation par l’autorité contractante, la contestation du caractère substantiel ou non des omissions, les divergences ou réserves lors de l’analyse des offres. 

POUR l’essentiel, c’est la question de la conformité au dossier d’appel d’offres (DAO) ou de la demande de propositions qui se pose lors de l’analyse des offres par l’autorité contractante, de la portée de l’indication des marques dans le DAO et son incidence sur l’analyse, de l’importance de la concordance entre la proposition technique et la proposition financière en vue de dégager la conformité.  

Du point de vue de la forme, expliquent les experts en passation des marchés publics, trois principales causes ont entrainé l’irrecevabilité des recours à savoir : l’absence de recours gracieux, la forclusion des délais de recours auprès de l’autorité contractante ou de l’ARMP, et l’introduction des recours pour des motifs liés au dossier de consultation ou au DAO après l’attribution du marché. À cela s’ajoute aussi la prématurité des recours soit par l’introduction avant la notification provisoire ou du rejet des offres, soit avant l’expiration du délai d’attente de 5 jours ouvrables accordé à l’autorité contractante pour répondre à un recours gracieux. 

D’après ces experts, le premier cas de prématurité du recours (introduction avant la notification du rejet de l’offre) pose le problème de la règle de confidentialité des travaux d’analyse des offres. Dans la plupart des cas, les recours prématurés ont été introduits sur base des indiscrétions du personnel de l’autorité contractante. En tirant les conséquences, le CRD a vite fait de se saisir de ces manquements au disciplinaire. 

Autre motif de prématurité, c’est la résultante du refus délibéré de notification dans le chef de l’autorité contractante. Dans ce cas, le CRD, tout en déclarant l’irrecevabilité, enjoignait cette dernière de procéder à la notification. À la suite de cette dernière, un nouveau recours pouvait être introduit par le requérant. 

Quant au fond, la validité des motifs des recours auprès de l’ARMP a entraîné la modification du cours de conclusion de certains contrats. Les décisions du CRD enjoignant les corrections des procédures de passation des marchés publics et des délégations de service public auront auparavant déclaré « fondées » les réclamations. Dans le recueil publié par le GREM, les décisions et les avis du CRD sont présentés selon l’ordre chronologique de leurs prise et publication. 

Remise en cause

En définitive, certaines décisions du CRD sont allées tellement loin qu’elles ont précisé ou complété les dispositions légales et réglementaires en matière de marchés publics et de délégations de service public. C’est le cas notamment de l’obligation réaffirmée de procéder à la publication des avis d’appel d’offres ou des avis à manifestation d’intérêt sur le site web de l’ARMP, alors que la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics ne parle que d’un support électronique. 

C’est aussi le cas de l’indication des conseils d’administration des entreprises publiques (entreprise du portefeuille) comme autorités approbatrices des marchés passés par les organes de gestion (Directions générales) alors que le décret n°010/34 du 28 décembre 2010 fixant les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics prévoit l’intervention du ministre de tutelle. 

C’est également le cas de l’annulation des procédures de passation des marchés manifestement irrégulières alors que l’article 158 alinéa 2 du décret n°010/22 du 2 juin 2010 portant Manuel de procédures de la loi relative aux marchés publics l’interdit en disposant : « La décision du comité de règlement des différends ne peut avoir pour effet que de corriger la violation alléguée ou d’empêcher que d’autres dommages soient causés aux intérêts concernés, ou de suspendre ou faire suspendre la décision litigieuse ou la procédure de passation, mais elle n’annule pas la décision attaquée ».

C’est enfin le cas de l’affirmation du caractère complémentaire des dispositions de la loi relative aux marchés publics et de la loi sur le désengagement de l’État entraînant leur interprétation concomitante.

Accords internationaux

Le livre qui vient de paraître évoque aussi la question du droit applicable pour les marchés passés en République démocratique du Congo en exécution des accords internationaux, surtout en ce qui concerne le recours d’attribution des marchés sous financement des bailleurs de fonds. Le CRD a clairement tranché en indiquant que des organes des contentieux administratifs (autorité contractante pour le recours gracieux et le CRD pour le recours en appel) de passation des marchés étaient compétents pour statuer sur les litiges.

Par exemple, la Banque africaine de développement (BAD) s’est inclinée devant les décisions du CRD (lettre n°340/CDFO/RR/ORPF/08/2014/OBM relative à l’application des procédures nationales de passation des marchés publics pour les appels d’offres nationaux relatifs aux projets qu’elle finance), en se soumettant à recourir aux procédures nationales pour les appels d’offres nationaux des marchés des fournitures et des travaux. C’est ainsi que dans le cadre des projets PADIR et PRISE, les contentieux sur leurs procédures de passation des marchés ont été soumis au CRD pour traitement.