Priorité à l’assainissement des déficits budgétaires

Bon nombre de pays exportateurs de matières premières ne se sont pas encore remis de la chute brutale de leurs cours. Pour faire face aux chocs, les gouvernements appliquent des politiques consistant à juguler les dépenses non productives.  

 

Apparemment, les gouvernements n’ont pas vu venir la crise. Face aux difficultés provoquées par la chute des cours des produits de base et l’érosion de leurs recettes, leur marge de manœuvre budgétaire s’est émoussée. Entre 2015 et 2016, on note que le déficit budgétaire global en Afrique s’est dégradé, plombé par le repli des cours, de 6.3 % à 6.6 %. La détérioration a été plus rapide dans les pays exportateurs de pétrole, qui ont affiché un déficit budgétaire de 8.0 % en 2016 contre respectivement 7.5 % et 6.3 % en 2015 et 2014. Dans les pays importateurs de pétrole, en revanche, le déficit budgétaire est passé de 4.0 % en 2014 (et 4.4 % en 2015) à 4.5 % en 2016. De toutes les régions, c’est l’Afrique du Nord qui connaît le déficit budgétaire le plus prononcé, à 13.5 % du Produit intérieur brut (PIB), contre un déficit de 2.9 % en Afrique de l’Ouest.

Confrontés à l’aggravation de leurs déficits, plusieurs gouvernements ont opté pour des politiques d’assainissement budgétaire en 2016 afin de maîtriser les dépenses non productives, tout en instituant des mesures pour endiguer les pertes de revenus. C’est notamment le cas de la République démocratique du Congo dont la baisse importante des prix des produits pétroliers et miniers a ralenti la mobilisation des recettes domestiques. Les recettes intérieures de l’État n’auraient nominalement augmenté que de 6 % en 2015, contre des projections initiales de 14,5 % ; et 2016 aurait même connu une baisse des recettes. Les recettes issues de la TVA qui constituent le quart des recettes intérieures, n’ont pas dépassé 3,5 % du PIB en 2015, alors que son potentiel serait de l’ordre de 5 à 5,5 % du PIB. Le solde budgétaire global s’est érodé en 2015 et pourrait être en déficit de 1,4 % du PIB en 2016, financé essentiellement par une consommation des dépôts de l’État accumulés depuis 2012 auprès du secteur bancaire.

Le défi immédiat pour la RDC est de réduire l’incertitude politique et d’atténuer les déséquilibres macroéconomiques. La baisse continue des revenus des industries extractives a un impact important sur la stabilité macroéconomique et sur le budget, ainsi que sur les soldes extérieurs. La baisse des réserves de change conduit à une pénurie en devises étrangères rendant l’importation de produits de base difficile, ce qui se traduit par des hausses de prix préjudiciables pour les pauvres. En outre, la baisse des réserves conduit à une nouvelle détérioration du taux de change, renforçant ainsi les pressions inflationnistes. Pour faire face au choc exogène, le gouvernement a pris un ensemble de mesures d’urgence, mais ces mesures ne paraissent pas toutes adaptées à une période de vulnérabilité macro-budgétaire. Parmi les vingt-huit mesures du gouvernement, quatre ont un impact direct sur les recettes, trois un impact indirect, six relèvent de la gestion des finances publiques avec rationalisation des dépenses, et les quinze autres mesures ont des visées sectorielles et structurelles dont les implications en termes de finances publiques peuvent aller dans un sens comme dans l’autre.

Le renforcement de la mobilisation des recettes est le moyen le plus durable pour créer l’espace budgétaire et amortir l’impact des chocs exogènes. La viabilité budgétaire à long terme en RDC est difficile étant donné le faible niveau des recettes publiques, l’inefficacité dans les dépenses publiques et les besoins sociaux pressants…

Face à la diminution de leurs recettes budgétaires, mais soucieux de continuer à financer le développement, la plupart des gouvernements ont fait appel aux marchés boursiers, plus coûteux. Le Rapport 2017 de Perspectives économiques en Afrique mentionne que les politiques d’assouplissement quantitatif poursuivies dans la zone euro, au Japon et aux États-Unis ont poussé les investisseurs internationaux à s’orienter vers des opérations plus lucratives. Poussés par la faiblesse des taux d’intérêt mondiaux, les gouvernements africains font appel depuis quelques années au marché obligataire international privé pour financer leurs infrastructures et d’autres projets d’investissement mais également pour juguler leurs déficits budgétaires. Entre 2013 et 2015, l’Afrique a émis pour 20.9 milliards de dollars d’obligations souveraines, contre seulement 5.9 milliards entre 2009 et 2012.

Les équilibres budgétaires de la région devraient s’améliorer légèrement en 2017 et 2018, ressortant à respectivement -5.5 % et -4.5 %. Un redressement à imputer aux mesures d’assainissement budgétaire que de nombreux pays exportateurs de produits primaires sont en train de prendre et à la remontée progressive des cours. Les pays exportateurs de pétrole devraient voir leur déficit budgétaire s’aggraver en 2017 et 2018, à respectivement 6.3 % et 5.0 %, contre un déficit de 4.3 % et 3.8 % dans les pays importateurs de pétrole. L’Afrique du Nord devrait rester la région au déficit budgétaire le plus marqué en 2017, à 11.1 %, plombée par les pertes de revenus liées à la réduction de la production de pétrole en Libye.

Dans certains cas, l’incertitude politique a pesé sur l’efficacité des politiques monétaire et de change.