Que faut-il attendre des états généraux des forêts en RDC ?

Annoncés depuis septembre 2020 par le président Tshisekedi, les assises nationales du secteur du bois pourront probablement avoir lieu au mois de mars prochain, en marge de la Journée internationale des forêts. S’agit-il des assises de trop étant donné que les défis du moment dans ce secteur sont connus ?

« Quand la biodiversité s’effondre, l’espèce humaine, elle-même, est en danger ».

LES DÉFIS des forêts en République démocratique du Congo se résument à peu près à ceci : améliorer la gouvernance forestière, lever ou maintenir le moratoire de 2002, réformer le code forestier, élaborer une politique forestière, appliquer strictement les dispositions légales et réglementaires sur l’ensemble du secteur, se doter d’une vision holistique partagée sur la gestion des forêts. 

En décembre 2018, les parties prenantes à la gestion des forêts en RDC s’étaient réunies à Kinshasa pour discuter de la gestion durable des forêts et évoluer la mise en œuvre des réformes dans le secteur du bois dans le pays. À l’issue de ce forum, elles avaient nt rédigé un mémorandum à l’attention des dirigeants du pays qui s’apprêtait à élire un nouveau président de la République. Le diagnostic posé à l’époque est encore d’actualité aujourd’hui. 

Toutes les parties prenantes sont à peu près d’accord qu’il faut nécessairement mener 7 actions d’envergure : allouer les ressources nécessaires au secteur, diversifier l’économie forestière, aménager durablement les concessions et les autres espaces ruraux, prendre des mesures de valorisation des ressources forestières dans leur diversité mais aussi de contrôle forestier et faunique, certifier et tracer les forêts à conquérir, mettre fin à l’exploitation forestière abusive et illégale, et réchauffer les négociations APV FLEGT. 

Structurer l’offre nationale

Pour Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, la lutte pour la protection de l’environnement fait partie des objectifs de son mandat. Avant la participation de la RDC à la COP26 à Glasgow en Ecosse en novembre 2021, il estimait qu’il était impératif que le ministère de l’Environnement et du Développement durable produise « une série d’éléments afin de renforcer le programme du gouvernement dans ce domaine ». Il s’agit notamment de l’évaluation du Programme 1 milliard d’arbres à l’horizon 2023, du Fonds Carbone et de l’adhésion de la RDC au Groupe d’observation de la terre (GEO).

Pour rappel, le Programme 1 milliard d’arbres à l’horizon 2023 vise à restaurer 3 millions d’ha et à réduire la déforestation de 25 % pour sauver 1 million d’ha. Pour cela, il faut une étude approfondie : évaluation du projet, forces et faiblesses, avancées concrètes et recommandations. LeFonds Carbone, quant à lui, concerne l’aspect économique de la politique environnementale et nécessite l’exploitation des mécanismes appropriés pour la levée de fonds en faveur de la RDC.
Bref, le pays se doit de structurer son offre en se dotant de ce système à l’instar des autres pays. S’agissant de l’adhésion au GEO aux pays membres de se doter des systèmes fiables et de former l’expertise locale pour mieux suivre les
catastrophes naturelles, la gestion de l’énergie, le changement climatique et
ses impacts, la gestion des écosystèmes ainsi que l’agriculture durable.
À ce sujet, le président de la République avait recommandé la tenue d’une
réunion technique urgente avec le Secrétariat exécutif du GEO pour « échanger sur les opportunités et conditions d’adhésion en marge des assises de la COP26.

Bien avant le sommet de la COP26, Nicolas Kazadi, le ministre des Finances, avait réuni des ministres (Environnement et Développement durable, Affaires foncières, Aménagement du territoire, Santé, Ressources hydrauliques et Électricité, et Agriculture) autour du Fonds national de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (FONAREDD) en vue d’harmoniser les vues en août 2021. La réunion avait consisté à adopter les stratégies selon une approche holistique pour assurer la mission du FONAREDD face aux enjeux environnementaux et aux différents partenaires. 

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique dans le monde, la forêt équatoriale en RDC est considérée comme « le poumon vert de la planète en lieu et place de la forêt Amazonie qui est en constante dégradation à cause des activités liées à l’intensification des industries agropastorales ». Dans cette perspective, la RDC a des revendications à faire valoir en ce qui concerne les financements pour en garantir une bonne traçabilité et une gestion rationnelle susceptible de satisfaire aux besoins fondamentaux pour lesquels ils sont destinés.

Paradigme honteux

Le FONAREDD jouit de manière efficiente de l’appui des experts multisectoriels, de la société civile et du secteur universitaire sous la supervision politique du ministre de l’Environnement et du Développement durable. Pour Eve Bazaïba Masudi, la ministre d’État, ministre de l’Environnement et du Développement durable, « la RDC ne ménagera aucun effort pour mettre fin au paradigme honteux axé sur l’aide au développement pour commencer à négocier comme un vrai partenaire au regard des ressources, en l’occurrence ses forêts, qui constituent une solution contre le réchauffement climatique ».

Le Fonds national REDD constitue donc l’instrument de mobilisation des financements pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts en RDC à travers ses plans d’investissement. Son opérationnalisation a été inscrite comme mesure prioritaire dans la matrice de gouvernance économique, dans son volet relatif au renforcement de la gouvernance forestière et à la préparation de la RDC aux financements REDD+. 

Du fait que l’atteinte des objectifs dépend des financements adéquats et des programmes performants, la RDC a signé une lettre d’intention (MOI) avec l’Initiative pour la forêt en Afrique centrale (CAFI) en vue de son accompagnement pour relever ce défi. Il s’agit en fait d’un renouvellement parce que la première lettre d’intention qui liait le gouvernement aux agences de financement dans le domaine REDD était arrivée à son terme en janvier 2020. 

Le processus REDD s’appuie sur sept piliers : la gouvernance, le foncier, l’énergie, l’agriculture, l’aménagement du territoire, la forêt et la démographie. Par exemple, concernant la réforme de l’aménagement du territoire, le Fonds CAFI a disponibilisé 8 millions de dollars. Mais ce financement est gelé depuis janvier 2021 suite à une évaluation à mi-parcours du programme de réforme. Dans ce secteur, les attentes sont immenses, tenant compte de la superficie du pays, 2 345 000 km². Le FONAREDD a déjà capté 200 millions de dollars du CAFI pour mener des réformes sectorielles et mettre en œuvre des activités sectorielles et des programmes intégrés de manière participative, en atténuant les risques.

Feuille de route commune

Il y a quelques années, à Brazzaville, il avait été question d’adopter « une feuille de route commune afin de mieux assurer la transparence dans le secteur forestier et d’insister surtout sur le processus REDD+ ». Les échanges avaient surtout porté sur les questions relatives à la foresterie communautaire, à la conservation des forêts, aux marchés domestiques du bois, aux actions du secteur privé, à l’observation indépendante, aux droits des peuples autochtones. 

Deuxième versant hydrographique de la planète après l’Amazonie, et regorgeant de milliers d’espèces rares et d’une biodiversité exceptionnelle, l’écosystème du Bassin du Congo est menacé par la déforestation, l’exploitation illicite des forêts et le trafic incontrôlé du bois. Ces phénomènes affectent le niveau de vie de la population et de l’environnement, dans les pays qui constituent le Bassin du Congo : Centrafrique, Cameroun, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo). 

En décembre 2018, les parties prenantes à la gouvernance forestière en RDC avaient recommandé que les décideurs du pays « doivent savoir que préserver les forêts ou les gérer durablement est une nécessité impérative ». Quand la biodiversité s’effondre, l’espèce humaine, elle-même, est en danger, avaient-elles soutenu. D’où « la nécessité de gérer durablement les forêts » pour le bien-être des populations, pour la croissance économique du pays et pour la lutte contre le réchauffement climatique.