Renault envisage d’arrêter la production dans 4 usines en France

Face à la mutation et à la crise du secteur automobile, le constructeur français doit dévoiler le 29 mai les contours d’un vaste plan d’économie de 2 milliards d’euros annoncé en février dernier. Un plan qui passerait par la fermeture d’unités de production.

RENAULT, avec ses alliés Nissan et Mitsubishi, doit annoncer le 27 mai un plan stratégique qui prévoit un accroissement des synergies pour l’alliance franco-japonaise. L’idée est de confier à l’une des entreprises un leadership pour une région ou une technologie donnée, sur lequel les autres partenaires devraient s’appuyer, afin d’éviter des développements en doublon. Le lendemain, Nissan doit présenter son plan de redressement en même temps que ses résultats annuels 2019/2020 (clos le 31 mars) attendus dans le rouge. Le plan d’économies de Renault de 2 milliards d’euros doit suivre le 29 mai.

Contactées par l’AFP, la CFDT et la CGT du groupe au losange ont indiqué n’avoir « pas d’informations précises » sur ce plan. Un comité central social et économique (CCSE) de Renault est prévu le 28 mai au soir, puis un conseil d’administration, selon des sources syndicales. En attendant, il se raconte que quatre usines seraient fermées en France: Choisy-le-Roi, Dieppe et les Fonderies de Bretagne, pour commencer. Le gros morceau, Flins-sur-Seine, viendra plus tard, affirme Le Canard Enchaîné, sans citer de sources. 

À Flins-sur-Seine, il ne s’agirait toutefois pas d’une fermeture définitive mais de l’arrêt de la production automobile pour consacrer le site à une autre activité, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier. Une deuxième source a confirmé que la fermeture pure et simple de l’usine n’était pas d’actualité, sans exclure qu’elle ait été envisagée. Interrogée, la direction de Renault n’a pas souhaité faire de commentaire. Même silence au ministère de l’Économie.

Inaugurée en 1952, l’usine de Flins-sur-Seine a vu passer une vingtaine de modèles emblématiques de la marque, dont la Dauphine, la R4 et la R5. Dernièrement, elle assemblait les citadines Zoe (électrique) et Micra (du partenaire Nissan) avec 2 600 salariés. Le site a produit l’an dernier 160 000 véhicules dont des Renault Clio, un modèle désormais entièrement délocalisé en Turquie. En difficulté avant même la crise du coronavirus qui a provoqué un effondrement du marché automobile, Renault avait enregistré l’an dernier ses premières pertes en dix ans.

En difficulté avant C-19

L’arrêt de l’activité provoqué par la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver la situation. Le constructeur a vu, début avril, sa notation financière abaissée au rang d’investissement spéculatif par l’agence Standard and Poor’s. L’État français, premier actionnaire de Renault avec 15 % du capital, a accepté de voler au secours de l’entreprise en garantissant un prêt bancaire d’environ 5 milliards d’euros. Ce prêt garanti par l’État, et approuvé par l’Union européenne (UE), était tout proche d’être signé mardi soir le 19 mai.

Clotilde Delbos, la directrice générale par intérim, avait indiqué fin avril que ce prêt ne remettait pas en cause le plan d’économies de Renault, ni d’éventuelles suppressions d’emplois, la seule condition fixée par le gouvernement étant le renoncement aux dividendes versés aux actionnaires cette année. Dès février, la direction avait évoqué la possibilité de fermer des sites en France et à l’étranger lors de la présentation des résultats annuels. « Nous n’avons aucun tabou et nous n’excluons rien », avait déclaré Clotilde Delbos. Outre Flins-sur-Seine, l’inquiétude concerne aussi les trois autres sites, plus petits, menacés selon le Canard Enchaîné. L’usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) emploie 263 personnes dans la réparation de moteurs et boîtes de vitesse utilisés comme pièces de réemploi. Celle de Dieppe (Seine-Maritime) compte 386 salariés et assemble le modèle sportif Alpine A110, un coupé sportif aux ambitions haut de gamme très peu vendu. La cadence de production avait été réduite à 7 véhicules par jour en début d’année. Enfin, la fonderie de Bretagne à Caudan (Morbihan), produit des pièces en fonte pour moteurs, châssis et boîtes de vitesse, avec 385 salariés. « Il y a des discussions. Rien n’est figé », a cependant souligné une source proche du dossier, sous couvert de l’anonymat.

Intransigeance

Interrogé sur le sujet, Edouard Philippe, le 1ER Ministre français, a affirmé le mercredi 20 mai que le gouvernement serait « intransigeant » sur la « préservation » des sites de Renault en France si le constructeur automobile confirmait sa volonté de fermer quatre sites dans le pays comme l’évoque Le Canard enchaîné. « Il y a une forme de responsabilité de l’entreprise à avancer, à se transformer mais aussi à tenir compte des réalités du pays qui l’accueille et d’une certaine façon le fait vivre », a-t-il mis en garde, en soulignant que si « Renault est une entreprise mondiale, sa marque française est évidente ». 

D’après lui, le « plan n’est pas encore présenté et donc probablement pas encore arrêté », le 1ER Ministre français a assuré que l’État, qui est actionnaire du constructeur, était « extrêmement attentif » à la situation. « Nous serons extrêmement attachés, voire intransigeants, à la préservation des sites France », a ainsi déclaré Edouard Philippe lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat. « Nous serons extrêmement exigeants sur le fait que la France demeure le centre mondial pour Renault de l’ingénierie, de la recherche, pour l’innovation et le développement », a-t-il insisté. Et « nous serons extrêmement attachés à la qualité du dialogue et de l’accompagnement social », a-t-il poursuivi.

Interrogé par Sophie Primas, la sénatrice (LR) des Yvelines, sur le sort du site historique de Flins-sur-Seine qui, selon une source proche du dossier, ne fermerait pas mais arrêterait la production automobile pour se consacrer à une autre activité, Edouard Philippe a exprimé son « attachement » au site qui « doit dans toute la mesure du possible être préservé ».

La filière en danger

Il a enfin préconisé que le constructeur français, confronté comme tout le secteur à « un coup de frein massif et brutal », formule « un plan non pas défensif mais offensif ». D’après lui, ll est toujours mieux dans ces circonstances de franchir plus vite les étapes que l’on prévoyait de franchir, plutôt que d’essayer de défendre le plus longtemps possible une position « non viable ». Par ailleurs, le gouvernement français s’apprête à débloquer des aides à l’automobile, plongée dans une crise historique à cause du coronavirus, mais la filière devra devenir plus verte et relocaliser des emplois.

Le marché automobile européen a été divisé par quatre en avril dernier après une chute de moitié en mars, comparé à 2019. Les usines et commerces à l’arrêt pendant des semaines ont gravement amputé les recettes. Des entreprises sont poussées vers la faillite. L’équipementier Novares, qui emploie 1 350 personnes en France, a été placé en redressement judiciaire fin avril. Même un constructeur comme Renault a été contraint de solliciter un prêt garanti par l’État.

La filière est en danger d’autant que le redémarrage s’annonce lent. Or, elle pèse en France 400 000 emplois industriels directs, 900 000 avec les services. Même si la place de la voiture est remise en cause dans les centres urbains, elle reste le premier outil de mobilité et un pilier de l’économie nationale. Appelé à l’aide, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, a annoncé la semaine dernière qu’il présenterait « sous 15 jours » un plan de soutien orienté vers les technologies vertes. Mais il a réclamé en échange une relocalisation de la production en France.

Ce pari des relocalisations est loin d’être gagné. L’automobile française a massivement délocalisé depuis deux décennies, essentiellement vers l’Europe de l’Est, la Turquie et le Maroc. Les dernières générations des citadines Peugeot 208 et Renault Clio, deux modèles emblématiques du savoir-faire français et parmi les meilleures ventes, ne sont plus assemblées en France.