À TITRE exemplatif, le commandant divisionnaire en chef devra toucher l’équivalent 128 dollars au lieu de 116 dollars. Mais pour ce qui est de l’application du premier palier du barème convenu entre le gouvernement et l’intersyndical de l’Administration publique (INAP), soit 100 dollars pour l’huissier, il va falloir attendre.
Quelque 110 985 unités de plus devraient, en effet, être prises en compte dans l’enveloppe de rémunération de l’Administration publique en 2019. In globo, les prévisions de dépenses du personnel se chiffrent à 3 689,93 milliards de nos francs pour des effectifs de 1 310 404 agents et travailleurs. Outre, l’existant projeté à fin 2018 de l’ordre de 2 831,5 milliards de FC, l’enveloppe de rémunération prend notamment en compte l’impact du cinquième du premier palier du barème convenu entre le gouvernement et l’INAP d’un import de 286,5 milliards de FC.
Elle intègre aussi l’impact des grilles barémiques approuvées en faveur de différents services et corporations socioprofessionnelles en 2018 pour une enveloppe de 21,3 milliards de FC ainsi que d’autres actions sectorielles de la politique salariale envisagées en 2019 (ESU, Agriculture, Pouvoir Judiciaire…) pour 349,7 milliards de FC. Le recrutement et le dégagement au sein de la Police et de l’Armée pour une enveloppe globale de 61,5 milliards de FC ainsi que la mécanisation des nouvelles unités à l’EPSP et à la Santé publique pour 14,9 milliards de FC sont également incorporés dans le budget de rémunération 2019 de l’administration publique.
Soutenabilité budgétaire
Si le gouvernement se félicite du fait que l’application du cinquième du premier palier du barème de l’INAP devrait dégager de l’espace pour les autres postes des dépenses (fonctionnement, transferts et subventions, investissements et dépenses exceptionnelles), et que les prévisions de dépenses de rémunérations enregistrent 37,7 % d’accroissement par rapport aux prévisions de 2018 situées à 2 590,0 milliards de FC et 43,0 % de recettes courantes, des experts notent cependant que la République démocratique du Congo a dépassé légèrement le plafond fixé par les critères de convergences macroéconomiques de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en matière de soutenabilité budgétaire.
Pour autant, le gouvernement devrait probablement tenir sa promesse de revoir à la hausse les salaires de ses agents et fonctionnaires. Fin février 2018, Michel Bongongo Ikolo, le ministre d’État, ministre de la Fonction publique avait soumis au conseil des ministres le protocole d’accord entre le gouvernement et l’INAP sur le barème salarial des agents de carrière des services publics de l’État. Ce protocole d’accord pose le principe de la mise en œuvre progressive et par palier du barème convenu entre les deux parties. Après débats et délibérations, ce protocole d’accord a été approuvé par le conseil des ministres.
100 dollars pour l’huissier
Le ministre sortant de la Fonction publique a précisé que ce protocole qui consacre la volonté du gouvernement de soulager un tant soit peu la misère du fonctionnaire, prévoit en raison de la conjoncture économique du pays, l’application dudit barème en trois paliers, dont 100 dollars pour un huissier applicable en 2019, 150 dollars en 2020 et 200 dollars en 2021. De l’avis de la mouvance syndicale, cet accord demeure un acquis pour l’administration publique, au nom du principe de la succession de l’État. Mais il demeure une question de taille, à quel taux le gouvernement paiera-t-il ses travailleurs ?
La parité dollar/franc sur base de laquelle le budget a été élaboré est de 1 747.8 FC pour 1 USD. Mais ce n’est un secret pour personne, le taux appliqué par l’État pour payer ses fonctionnaires est longtemps resté cristallisé à 920 FC/le dollar. En réalité, les 100 dollars du gouvernement n’équivalent qu’à 92 000 FC, contre 162 000 FC sur le marché. À ce jour, le salaire d’un huissier est de 87 000 FC, soit 94 dollars d’après le taux appliqué par le gouvernement, et 54 dollars au taux du marché. Certes, le taux d’exécution de dépenses de rémunération frôle les 100 %. À fin décembre 2018, il s’est situé à 100,9 %, soit 2 612,1 milliards de FC. Mais le pouvoir d’achat du fonctionnaire congolais ne cesse de dégringoler depuis des années.
Pouvoir d’achat
Dans son analyse sur la loi de finances publiques 2019, la société civile sous la coordination du Réseau Gouvernance Economique et Démocratie (REGED), note cependant que les rémunérations des agents publics de l’État sont ainsi inéquitables et non conformes aux dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires en la matière, en dépit de ce que leur enveloppe globale représente. De même leurs structures sont aussi non conformes aux dispositions légales sus-évoquées, les primes pour la plupart des cas dépassant largement le salaire de base. Ce qui, par ailleurs a des incidences négatives sur les pensions de retraite tant dans le cadre de l’ancien « Régime Octroyé » que de celui du nouveau « Régime Contributif » des retraites. La société civile estime que les conditions de vie sociale des agents et fonctionnaires de l’État ne sauraient s’améliorer au regard de la baisse constante de leur pouvoir d’achat. Par ailleurs, de grandes rubriques, pour lesquelles le décaissement des fonds relève du choix discrétionnaire des ministres, devraient largement dépasser leurs limites circonscrites dans le budget. Il s’agit notamment des frais financiers dont le taux d’exécution pourrait atteindre 127,3 %, soit 192,5 milliards de FC.
Il sied de rappeler que les frais financiers comprennent des intérêts sur les dettes intérieures et extérieures. C’est une affaire entre la Banque centrale et la Direction du Trésor et l’Ordonnancement (DTO), qui relève du ministère des Finances. Les prévisions des frais financiers du gouvernement pour l’exercice 2019 ont connu un accroissement de 104.22 milliards de FC, soit 40,79 % par rapport au budget 2018.
Autre rubrique, « Biens, matériels et prestations », dont le taux d’exécution serait, à fin décembre 2018, à 133,5 %, soit 1 424,9 milliards de FC. Ces natures des dépenses regroupent les fournitures diverses, les petits matériels, les matériels de construction, de quincaillerie, les produits chimiques, des pièces de rechange pour différents équipements, les matériels textiles et héraldiques, etc. Par contre les dépenses des transferts et subventions et des investissements devraient, dans les meilleurs de cas, atteindre respectivement les taux de 71 et 40 % à fin décembre 2018.
Pour 2019, la commission Ecofin de l’Assemblée nationale a dit relever « quelques cas de surestimation des prévisions des dépenses de fonctionnement [dont] la Primature, le ministère de la Communication et des Médias, le ministère des Sports ». La paie de l’Administration publique ne reflète guère la solidarité nationale, le souci de l’émergence d’une classe moyenne repris dans les discours des décideurs politiques. Le constat est du REGED et du Comité d’orientation de la réforme des finances publiques (COREF).
Dans son rapport sur la loi de finances publiques 2019, la société civile note « que les rémunérations des différentes catégories professionnelles des agents publics – Politiques, Administratifs, techniques, ouvriers- présentent d’énormes disparités en dépit de l’équivalence des grades des différentes catégories professionnelles. En RDC, la tension salariale est de 1 à 132. En clair, si un député national gagne 11 500 000 FC le mois, l’huissier n’a que 8 7 000 FC. Peu importe qu’il soit porteur d’un diplôme de docteur, le salaire d’un directeur dans l’Administration publique est de 118 154 FC, contre 1 966 206 FC pour un professeur ordinaire de l’université.
Autre exemple, un député national gagne 11 550 000 FC, contre 124 000 FC pour un général d’armée, lit-on dans le rapport de la société civile. Voilà qui traduit une disparité criante des rémunérations des différentes catégories des agents publics, un régime des castes qui ne dit pas son nom. La société civile note que les rémunérations des agents publics de l’État sont ainsi inéquitables et non conformes aux dispositions constitutionnelles.