RSE : vers un fonds pour le développement durable des zones productrices

Selon le ministre des Mines, la vision présidentielle est partagée par plusieurs spécialistes qui estiment judicieux d’étendre la responsabilité des sociétés minières au-delà de la simple maximisation des recettes et de la création d’emplois ainsi qu’au-delà du profit.

LES PRINCIPAUX acteurs du secteur minier s’étaient rencontrés à la DRC Mining Week à Lubumbashi pour une exposition et des conférences en juin dernier. Il y était question, actualité oblige, du code minier révisé, promulgué en mars et qui venait tout juste d’entrer en application. Le code minier révisé prévoit une importante augmentation des taxes imposées aux industriels miniers qui, par conséquent, continuent à s’interroger sur leur stratégie à venir. 

Une centaine d’industriels miniers exploitent le sous-sol de la République démocratique du Congo. Les principaux opérateurs miniers sont l’anglo-suisse Glencore, le sud-africain Randgold, le canadien Ivanhoé ou encore les chinois Zijin et China Molybdenum. Avant ces multinationales versaient à l’État la redevance de 2 %. Avec le code révisé, elle est dorénavant fixée à 10 % pour des minerais dits « stratégiques » comme le cobalt et le cuivre. Principalement extraits dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga, ils représentent 80 % des revenus d’exportation du pays. 

Au Katanga, des associations de la société civile ont le sentiment d’avoir été enfin entendues. Pendant longtemps, elles dénonçaient les « contrats léonins » et les « taxes trop basses » que l’ancien code minier accordait aux investisseurs, mais aussi « beaucoup d’exonérations » accordées aux entreprises. Pour tout dire, le code minier de 2002 n’était pas « favorable » pour l’État et pour les communautés locales des zones de production minière.

Le nouveau code minier prévoit également un impôt spécial de 50 % sur les gains exceptionnels ou super profits et une micro-taxe destinée aux communautés vivant à proximité des mines. À la DRC Mining Week, certaines compagnies ont menacé de recourir à un arbitrage international, pour protéger leurs « avantages ». D’autres ont dit espérer négocier des « ajustements », notamment celles qui sont en train de lever des financements pour lancer des exploitations.

En tout cas, à Lubumbashi, en juin dernier, aucun industriel n’a fait savoir qu’il réduirait son activité, encore moins quitterait la RDC. Surtout que les cours des minerais flambent : + 13 % l’année dernière pour le cuivre, + 127 % pour le cobalt, dont la demande explose pour fabriquer les batteries des voitures électriques. La réalité est que la RDC est « incontournable », a laissé entendre un investisseur. En effet, le pays abrite plus de la moitié des réserves mondiales de cobalt. C’est dire que même avec le code minier révisé, comme le prouvent d’ailleurs la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), quelle que soit la fiscalité, les investisseurs finiront toujours par faire des profits. 

C’est dans cette mouvance que les principaux acteurs du secteur minier vont poursuivre à Kolwezi leurs échanges sur les enjeux économiques, environnementaux et entrepreneurials locaux. Pour le gouvernement, c’est clean : « Les compagnies minières doivent répondre également aux attentes sociales du développement durable des zones productrices, mieux des populations impactées par les activités minières, d’autant plus que les ressources minérales ne sont pas renouvelables. »

Les avis d’experts

Au ministère des Mines, on rappelle, sur la foi des experts de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et de l’Union africaine (UA), que depuis la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUCED) de 1992, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) a vu son lien se solidifier avec le développement durable. On rappelle aussi que le sommet mondial pour le développement durable de 2002 à Johannesburg en Afrique du Sud avait recommandé de faire de l’exploitation minière un « facteur de développement durable ».

Selon le rapport des experts du Groupe d’études international sur les régimes miniers de l’Afrique (CEA, 2011), les entreprises considéraient traditionnellement leur responsabilité sociale comme une « question facultative » ou comme une « œuvre de charité ». Conséquence : là où la communauté riveraine de la mine exploitée ne tire pas partie de l’investissement, ça reste une « enclave ». Martin Kabwelulu, le ministre des Mines, depuis 2007, martèle : « Cela porte à croire que si une société ne réalise pas des projets à impact visible, elle risque de perdre le permis social nécessaire à son fonctionnement. Aujourd’hui, le permis social est devenu une nécessité pour un fonctionnement harmonieux et optimal des compagnies minières dans les milieux au sein desquels elles exercent leurs activités. »

En effet, un peu partout dans le monde, les compagnies minières apprennent à adopter le nouveau paradigme. Aujourd’hui, il est inacceptable pour leur rentabilité que les communautés riveraines des mines exploitées vivent sans services de base : accès à l’eau potable et à l’électricité, accès aux soins de santé primaires, assainissement…

Changement de paradigme

Un peu partout, la RSE est érigée en « exigence », car elle participe à la rentabilité des compagnies minières. Qui doivent contribuer au bien-être social des communautés affectées par des activités minières directement ou indirectement, en créant, par exemple, des « fonds d’affectation spéciale » ou des « fondations » pour financer les projets sociaux au profit des communautés locales impactées par les projets miniers. D’autres entreprises minières privilégient la formule de « partenariat tripartite » (institutions publiques centrale et local, industrie minière et société civile). Le gouvernement est plutôt favorable à cette formule.

Cependant, le débat, aujourd’hui, porte sur les responsabilités de l’État envers ses citoyens, sur la manière dont la responsabilité sociale d’une compagnie minière vient en appui aux efforts étatiques, ainsi que sur le rôle et l’apport de la société civile. Le point de vue du gouvernement à ce propos est : « Une meilleure coordination entre la planification et l’investissement par l’État, d’une part ; et, d’autre part, les dépenses des entreprises au titre de leur responsabilité sociale, pourrait améliorer les programmes sociaux au profit des communautés locales. » 

Vu sous cet angle, fait remarquer Martin Kabwelulu, les initiatives de la RSE doivent « compléter les plans de développement national et contribuer à la croissance socio-économique des communautés locales minières et de l’ensemble de la nation ». Étant donné que l’économie de la RDC est de type social du marché tempéré, fondée sur la tripartite État-opérateurs économiques- société civile. L’État joue le rôle de régulateur et de promoteur, les opérateurs apportent les capitaux et contribuent à la création de richesses et d’emplois tandis que la société civile contribue à l’encadrement de la population.

C’est dire qu’à Kolwezi, les principaux acteurs du secteur minier vont faire le point de la situation, notamment indiquer les avancées et relever les éventuels écueils concernant le développement durable. Étant un « cadre de dialogue et de consultation », la 3è édition de la Conférence minière permettra également de faire le point sur l’apport du secteur minier dans la mise en œuvre des Objectifs du développement durable (ODD) d’ici 2030, comme le souhaite l’Observatoire congolais du développement durable (OCDD) dans le package national 2017-2021.

Si le code minier révisé met un accent particulier sur la responsabilité sociétale du titulaire des droits miniers d’exploitation et de l’autorisation d’exploitation des carrières permanentes (article 285 de la loi n°18/001 du 9 mars 2018), à Kolwezi, il sera plus question de « mettre en place des mécanismes devant conduire à la création d’un fonds pour le développement durable des zones minières productrices (Basket Fund National) ». 

Cette fois-ci paraît être la bonne, après tant de critiques sur l’opacité dans la gestion des recettes générées par la production minière. « L’heure est donc à la conjugaison des efforts entre l’État, l’industrie minière et la société civile, dans une synergie transparente et pérenne pour asseoir le développement durable de l’ensemble du territoire national grâce aux revenus générés par l’exploitation minière rationnelle, responsable, transparente et durable », souligne le ministre des Mines. Pourvu qu’il soit entendu !