Réseaux sociaux : alerte sur la santé publique !

L’usage à haute dose des réseaux sociaux pourrait favoriser l’apparition de pathologies psychiques chez ses utilisateurs. Il est grand temps que l’Europe se saisisse du sujet.

Pas une journée ne passe sans que l’on entende parler des dangers de l’intelligence artificielle, de son impact potentiel sur la destruction d’emplois ou des risques de discrimination issus des algorithmes. Pourtant, le risque premier lié à la révolution numérique est probablement beaucoup plus commun et d’une envergure qui n’est absolument pas considérée à sa mesure : il s’agit des conséquences en matière de santé publique d’un usage désormais immodéré des réseaux sociaux.

Aux Etats-Unis, les adolescents y consacrent désormais six heures (vous avez bien lu) par jour, modifiant ainsi radicalement leurs modes de vie, en étant plus sédentaires et moins en relation dans l’espace physique avec leurs semblables. Ce phénomène est apparu soudainement, dans la mesure où les réseaux les plus populaires auprès des adolescents n’ont, pour la plupart, pas dix ans.

96 % des adolescents sont désormais actifs sur au moins un réseau social

Ainsi le think tank Pew note que si l’usage par les adolescents et jeunes adultes des réseaux sociaux n’était que de 7 % en 2005, en 2016, ce sont 96 % d’entre eux qui sont désormais actifs sur au moins un réseau social. Cette soudaineté explique d’ailleurs que l’on cerne encore mal les conséquences que cela peut avoir en matière de santé publique. Toutefois, quelques indicateurs semblent alarmants.

Anxiété et dépression

Selon le ministère de la Santé américain, le taux de dépression des adolescents et jeunes adultes s’est accru de 60 % en seulement six ans et nombreux sont les psychiatres qui pointent les corrélations entre abus d’écrans, anxiété et dépression. Si les études épidémiologiques de fond manquent, il ne semble guère exagéré au vu des proportions prises, de comparer les conséquences de ce nouvel usage à celles de la cigarette. Car si, en apparence, les réseaux sociaux ne tuent pas, la baisse d’activité physique qu’ils semblent induire ainsi que l’accroissement des pathologies psychiques par leurs utilisateurs pourraient avoir des conséquences de masse, ces deux maux étant réputés réduire sensiblement la durée de vie de ceux qui en sont affectés.

Au-delà, on conçoit aisément que les conséquences puissent, par ricochet, concerner un ensemble de facteurs comme l’attention des élèves en classe, leurs capacités d’empathie, de collaboration… A plus large échelle, l’on peut sérieusement se poser la question de l’impact de ces réseaux sociaux sur la vitalité des corps sociaux, la qualité de la vie de la cité, de sa démocratie, etc.

Enjeu de santé publique

Face à ce phénomène, rares sont les voix qui parviennent à alerter et à mobiliser au sujet des conséquences d’une telle évolution. Tristan Harris, un ancien programmeur de la Silicon Valley, a lancé l’association Time Well Spent (« utiliser son temps à bon escient ») et ne cesse d’occuper les plateaux de télévision pour essayer d’éveiller les consciences, suggérant, par exemple, que des alertes nous préviennent lorsque nous avons passé 45 minutes d’usage quotidien. Il semble rejoint par d’autres militants de sa cause, comme Siva Vaidhyanathan, qui dénonce Facebook comme étant devenu le « système d’exploitation de nos vies ». En Europe, le débat reste essentiellement centré sur des notions telles que l’usage des données personnelles, dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement européen des données (RGPD) dès 2018, ou sur les enjeux de fiscalité que l’on souhaiterait appliquer aux « Gafa » et grandes entreprises du numérique, ou encore sur ce fameux sujet de l’impact social et économique de l’intelligence artificielle.

Il ne s’agit pas d’être manichéen et de condamner sans réserve l’une des inventions les plus généralisées de la révolution digitale, mais il serait dommageable que notre continent européen ne prenne conscience de ce sujet de santé publique que trop tard, alors que les conséquences néfastes de ces usages nouveaux auront déjà massivement altéré la qualité de vie et hypothéqué le futur des générations montantes.