LES ASSISES des deux jours (28 et 29 juin) à Addis-Abeba avait pour thème : « Mise en œuvre de la ZLECA : éliminer les obstacles géographiques, logistiques et réglementaires au commerce et à l’investissement dans la Corne afin de stimuler l’industrialisation : mettre l’accent sur l’industrie pharmaceutique ». La Zone de libre-échange continental africain (ZLECA) offre une opportunité pour des économies d’échelle, dont le manque empêchait auparavant la production de produits pharmaceutiques en Afrique.
C’est l’avis général des participants à ce forum aux produits pharmaceutiques. Stephen Karingi, le directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a déclaré que les politiques nationales pouvant être utilisées pour soutenir l’industrie comprennent des garanties d’investissement, des subventions, des incitations fiscales et des exigences en matière de contenu local.
Expertise considérable
« Cependant, nous devrons également examiner la question d’un point de vue régional. Nous pouvons disposer d’une marge de manœuvre pour promouvoir la production locale, mais pas dans la mesure où cela empêche le flux des échanges commerciaux », a-t-il dit. Et de poursuivre : « Le continent dispose d’une expertise considérable pour aider à construire et à développer son industrie pharmaceutique. »
Les centres d’excellence régionaux peuvent être utilisés pour surmonter les problèmes de capacités humaines et de ressources limitées pour la recherche et le développement et les tests, conviennent les participants. « La médecine traditionnelle africaine est un domaine où l’innovation africaine doit être mise à contribution, mais nous devons améliorer la commercialisation. C’est un domaine dans lequel travaillent de nombreuses micros, petites et moyennes entreprises », a souligné Karingi. Certains des messages clés du forum ont souligné la nécessité de la mise en œuvre de la ZLECA, qui constituera le véritable test maintenant qu’elle est entrée en vigueur ; de renforcer les cadres réglementaires indispensables au développement du secteur pharmaceutique ; d’encourager la production nationale axée sur la région ; d’entreprendre des réformes nationales ; de mettre en place des chaînes logistiques efficaces et sûres pour réduire considérablement le coût de la médecine africaine.
Ils reconnaissent le lien étroit existant entre la paix et le commerce et la nécessité pour les gouvernements de faire davantage appel au secteur privé pour que la ZLECA puisse atteindre ses objectifs. Les participants ont également discuté des prochaines étapes nécessaires à la mise en œuvre de l’accord et des stratégies nationales. Pour sa part, Johan Borgstam, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Éthiopie, souligne la nécessité d’avoir la paix en Afrique. D’après lui, pour que l’Afrique exploite pleinement le potentiel de la ZLECA et fasse de cette initiative une entreprise véritablement panafricaine, des efforts concertés devront être fournis par toutes les parties prenantes pour inciter tous les États membres à ratifier pleinement le traité. Il ajoute que la ZLECA offre un grand potentiel au continent qui est le plus jeune du monde et qui comptera d’ici 2050 deux milliards d’habitants. Selon lui, l’Afrique comptera plus de 830 millions de jeunes. Il espère vivement que le processus de la ZLECA, par la création du type de diversification des exportations nécessaire pour créer des emplois à forte intensité de main-d’œuvre pour les jeunes africains dans des secteurs tels que l’industrie manufacturière et l’agro-industrie, permettra de répondre à la question du chômage des jeunes de façon durable et équitable.
« Il est essentiel que l’Afrique développe ses propres capacités de fabrication et de recherche, en particulier son industrie pharmaceutique », déclare Ali Mufuruki, le président et PDG d’Infotech Investment Group et vice-président du Club AfroChampions. D’après lui, le statu quo pour l’Afrique n’est pas viable, d’autant plus que les exportations de produits pharmaceutiques vers le continent continuent de bénéficier de subventions gouvernementales importantes et souvent les faussant jusqu’à 40 %, ce qui rend difficile la concurrence pour les producteurs locaux.
Dépenses de santé
Les programmes de donateurs représentent actuellement 80 % de toutes les dépenses de santé en Afrique. « Créer une autonomie et une autosuffisance dans la fourniture des médicaments est essentiel à l’approvisionnement, en particulier lorsque le financement des donateurs arrive à terme. La dépendance excessive vis-à-vis de l’aide aux soins de santé a énormément nui à industrie locale.
Le Fonds mondial, par exemple, doit être déplacé temporairement et les remèdes à certaines maladies tropicales sont déjà négligés faute de bénéfices suffisants pour les innovateurs multinationaux. « Il est essentiel que l’Afrique développe ses propres capacités de fabrication et de recherche, en d’autres termes son propre complexe industriel pharmaceutique – industries de fabrication, instituts de recherche, sociétés d’assurance maladie, mécanismes de financement public et autres », indique Mufuruki.
Il ajoute que les obstacles auxquels l’industrie pharmaceutique en Afrique est confrontée sont nombreux et variés et que les facteurs les plus importants à cet égard sont les suivants : la taille du marché et les problèmes d’accès au marché ; le dumping par les industries pharmaceutiques mondiales et le manque d’appropriation locale du programme de santé publique, en particulier du financement et de la recherche. Il affirme qu’à cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) changera la donne.
« La ZLECA est conçue pour fournir aux nations africaines des solutions pour affronter ces défis. L’approbation et la ratification par les pays africains permettront au secteur privé africain de saisir les opportunités significatives émergentes que ce secteur vital offre », informe Mufuruki. « Il est important de noter, cependant, que c’est toujours le cas dans la vie, les opportunités vont toujours à ceux qui sont les mieux préparés à les saisir.
Les multinationales pharmaceutiques sont toujours prêtes et se sont toujours mobilisées pour asseoir leur domination sur ce marché vital ; le seul marché qui a un espace important pour la croissance dans l’avenir et c’est l’Afrique », poursuit-il. Enfin, il note : « Nous ne devrions ménager aucun effort pour faire de la ZLECA un outil de libération économique pour l’Afrique. Il n’y a pas de meilleur endroit pour commencer qu’une industrie qui détient la clé de la survie des générations futures du continent et cet endroit est l’industrie pharmaceutique africaine ».
Pour sa part, Barry Faure, le secrétaire d’État des Seychelles aux Affaires étrangères, dit : « Les consommateurs africains bénéficieront des mêmes règles. Ce qui peut changer la donne dans notre lutte contre le paludisme, par exemple ».
Il informe que la phase II des négociations de la ZLECA, y compris les discussions à venir sur les questions de concurrence et les droits de propriété intellectuelle, contribueront à rapprocher le marché des médicaments des conditions d’un marché unique. » Quant à lui, Onanga, l’envoyé spécial des Nations Unies pour la Corne de l’Afrique, affirme que le continent est toujours au carrefour. « Nous devons être audacieux pour traiter les problèmes critiques auxquels le continent est confronté. Nous devons également réaliser que nous pouvons surmonter les défis du XXIe siècle seuls, nous devons travailler avec des instruments tels que la ZLECA et réussir ensemble en conséquence. Nous devons également œuvrer dans la diplomatie pour la paix dans toutes les régions de l’Afrique car la plupart de nos problèmes concerne la gouvernance », affirme-t-il. Déclarant que la paix est d’une importance vitale pour le développement et la prospérité du continent.
Mamo Mihretu, le négociateur en chef et conseiller principal du 1ER Ministre éthiopien, dit : « La ratification et la mise en œuvre de la ZLECA font partie intégrante d’une politique commerciale cohérente et rationnelle que poursuit l’Éthiopie. Cela nous aide à concrétiser la vision d’une Afrique intégrée et crée des opportunités de marché pour le secteur privé ».
Gertrude Mothibe, de l’Association de médecine générique d’Afrique australe, souligne la nécessité pour le continent de s’efforcer de développer et de renforcer sa propre industrie pharmaceutique. « Les Africains doivent faire preuve d’audace pour prendre et appliquer sans crainte les décisions qu’ils prennent concernant leur continent, en particulier pour l’industrialisation faisant appel au secteur pharmaceutique. Nous avons les compétences et les connaissances. Tout ce dont nous avons besoin si nous voulons un environnement propice et un accès au financement », dit-elle.