Des journalistes de Tamedia ont publié un livre sur la gestion de la crise du coronavirus en Suisse ce printemps. Leurs recherches ont nourri des articles, que nous choisissons de republier ici, car ils continuent d’éclairer les erreurs commises et les difficultés rencontrées au moment où la deuxième vague frappe le pays.
Il s’en est fallu de peu pour que la Suisse connaisse une situation bien plus grave au printemps. Le livre «La première vague» écrit par des journalistes de Tamedia raconte de façon inédite les dessous de la crise. Par exemple comment, en janvier 2020, un groupe de touristes chinois comprenant des personnes atteintes du nouveau coronavirus ont traversé la Suisse durant deux jours. Les autorités ont préféré rester muettes sur cet incident. L’Office fédéral de la santé publique n’a même pas informé son ministre de tutelle Alain Berset.
Ce n’est qu’un mois plus tard, le 25 février, que le ministre de la Santé s’est rendu compte à quel point la situation était déjà hors de contrôle.
Et maintenant?
Daniel Koch, l’ancien Monsieur Coronavirus de la Confédération, tout comme Alain Berset, reconnaissent qu’il aurait peut-être fallu agir plus vite. De nombreuses erreurs ont toutefois été répétées lors de la deuxième vague, comme le montre cette grande enquête: Le drame, s’est joué au cœur de l’été.
La pandémie sous-estimée
Des procès-verbaux montrent à quel point les autorités fédérales ont sous-estimé la crise du coronavirus. Puis comment elles ont soudainement retenu un scénario apocalyptique. Les journalistes ont pu accéder à ces documents grâce à la loi sur la transparence dans l’administration.
Et maintenant?
Au début de la seconde vague, certains cantons comme Genève ont tenté d’agir rapidement. D’autres, comme Vaud, ont attendu le dernier moment. Mais contrairement à ce qui s’est passé au mois de mars, les scientifiques, y compris ceux des offices des médecins cantonaux et de l’OFSP, ont prévenu que l’automne et l’hiver seraient difficiles. Cela a permis d’élaborer de nombreux scénarios, avec notamment des mesures ciblées au niveau régional, comme le montrent d’autres documents. Mais les politiques ont temporisé et une bonne partie de la population s’est comportée de manière insouciante.
Jusqu’à fin février, deux semaines avant le confinement, Berne croyait avoir l’épidémie sous contrôle. Les autorités suisses assuraient encore que le coronavirus ne présentait qu’un «risque modéré pour la population». Mais le mal était déjà là, et il allait bientôt submerger le pays. Et puis tout a basculé.
En octobre, on a le sentiment que l’histoire s’est répétée. Malgré les alertes répétées de l’Organisation mondiale de la santé, les autorités Suisses, à la Confédération, dans les cantons, ont tenté de rassurer. Plutôt que de se préparer de toutes leurs forces à la seconde vague. C’est ce que montre cette grande enquête, Le drame, s’est joué au cœur de l’été.
Des capacités de tests insuffisantes
Alors que la Corée du Sud a réagi très rapidement, en effectuant des tests à très large échelle dès le début de l’épidémie, la Confédération et les Cantons n’ont fait monter en puissance leur capacité de tests que de façon graduelle.
Et maintenant?
En été, la Suisse était devenue l’un des pays qui testait le plus au monde. Mais la tendance s’est inversée, le manque de matériel et surtout le personnel insuffisant dans la plupart des centres de tests a conduit à des taux de positivité extrêmement élevés. Bâle-Ville est l’un des rares cantons à avoir su maintenir le cap sur la capacité de tests.
Le traçage des contacts sous-dimensionné
Au mois de mai 2020, à la sortie du confinement de la première vague, la Suisse s’est dotée de cinq fois moins de spécialistes du traçage des contacts que ce que prévoyait l’Allemagne, par exemple.
Et maintenant?
Le traçage des contacts a été simplifié et partiellement abandonné depuis la fin septembre déjà. Les cantons, essaient de réagir en augmentant les effectifs, mais de nombreuses chaînes d’infection n’ont plus pu être suivies par ces professionnels.
Combien de vies perdues pour rien?
Des chercheurs de l’Université de Berne estiment qu’une action plus rapide aurait permis de sauver quelque 1600 vies au mois de mars et avril. Attendre une semaine de plus, en revanche, aurait entraîné des milliers de morts supplémentaires.
Et maintenant?
La rapidité d’action est l’un des éléments les plus importants face à cette pandémie, selon l’OMS. Comparé à la réaction en Irlande, en Israël ou même en Espagne, les autorités helvétiques ont plutôt été lentes à réagir à la deuxième vague. On peut donc dire que les erreurs de mars ont été répétées. Mais cette fois-ci, sans l’excuse que l’on ne savait rien sur le virus. Alors qu’ils alertaient les autorités et l’opinion publique depuis le milieu de l’été, les scientifiques n’ont véritablement été entendus que mi-octobre.
La catastrophe des maisons de retraite
La majorité des 1753 morts liées au Covid-19 durant la première vague en Suisse sont survenues dans des maisons de retraite. Les personnes les plus vulnérables n’ont pas été suffisamment protégées.
Et maintenant?
Cet automne aussi, les EMS sont très durement touchés. La situation est même jugée très inquiétante. La deuxième vague est même plus meurtrière que la première. Bâle-Ville est le canton qui a le mieux protégé les plus de 80 ans.
Le coronavirus a particulièrement frappé une famille fribourgeoise. Trois se sont battus pour leur survie, deux sont morts. Ceux qui restent racontent.
La deuxième vague était prévisible depuis avril
En avril déjà, des chercheurs de l’EPFL avaient calculé des scénarios d’une seconde vague. Et ils avaient vu que celle-ci serait répartie plus également sur l’ensemble du territoire suisse et qu’elle serait possiblement plus mortelle que la première.
Et maintenant?
La seconde vague, avec une lente progression durant l’été, s’est accélérée en octobre. Partout en Suisse. En novembre, plusieurs cantons ont décidé de fermer bars et restaurants. Le nombre d’infections quotidiennes est redescendu à la fin du mois de novembre, mais déjà, certains scientifiques estiment qu’une troisième vague est possible.