POURQUOI la Regideso a-t-elle attendu que le projet touche à sa fin pour jeter l’opprobre sur le programme Imagine ? Est-ce une fuite en avant pour se dédouaner de la responsabilité d’un travail mal fait ou un sursaut de nationalisme ?
Petit à petit, le programme Imagine est en train de tendre vers sa fin. Certaines de ses composantes ont déjà clôturé leurs activités. C’est notamment le cas de la composante de service de fourniture d’eau (WSD), la communication pour le changement de comportements (CCC) et la gouvernance.
Mercy Corps, une ONG internationale britannique, a appuyé techniquement Congo Maji à travers la composante fourniture de services d’eau. Le 26 octobre 2020, Mercy Corps a adressé une correspondance officielle à Congo Maji pour l’informer de la clôture des activités de la composante WSD du programme Imagine pour la ville de Goma, étant donné que le programme tant vers sa fin.
Le 4 novembre dernier, toutes les parties prenantes (Regideso, Mercy Corps et Congo Maji) et les autres partenaires (acteurs étatiques du gouvernement provincial et services techniques de l’État, la société civile) se sont retrouvés à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, dans un atelier pour valider la clôture de la composante WSD mais surtout pour élaborer un plan de transfert et d’appropriation des livrables de WSD. Il s’agit concrètement de la gestion de bornes fontaines, du système de renforcement des capacités, ainsi que du système de communication entre la clientèle et l’opérateur.
Pour rappel, le programme Imagine vise à réduire le taux de maladies hydriques (diarrhées) chez les enfants de moins de 5 ans en facilitant un accès amélioré et durable à l’eau potable et à l’assainissement, en améliorant les comportements d’hygiène des populations cibles. Le programme comprend quatre composantes : amélioration d’infrastructures, fourniture des services d’eau, gouvernance, et pratique d’hygiène.
Coup de théâtre
Le 20 novembre 2020, coup de théâtre. La Regideso jette un pavé dans la mare. À l’approche de l’évaluation du programme humanitaire, elle semble se désolidariser de ses partenaires dans le projet WSD, en déclinant sa responsabilité dans la réalisation du projet.
En tout cas, dans les correspondances qu’ils ont adressées le 20 novembre dernier à Mercy Corps et Congo Maji, les dirigeants de la Regideso ne semblent pas apprécier le travail qui a été fait. Ses correspondances remettent donc en cause la confiance, et donc la crédibilité des parties prenantes dans le projet.
La Regideso écrit solennellement (lettre DG/SG/DJA/4492/2020 signée par Clément Mubiayi Nkashama, directeur général, et Désiré Bagbeni Adeito, directeur général adjoint) à Mercy Corps pour faire la mise au point suivante sur l’état des lieux des travaux réalisés par l’ONG internationale britannique concernant la composante Infrastructures du programme Imagine « au regard du rapport de la mission effectuée par la délégation de la Regideso dans les villes de Goma et Bukavu » : « Il en ressort que les travaux d’infrastructures prévus à Goma et à Bukavu dans le cadre du programme susvisé ont été réalisés partiellement, et plusieurs malfaçons très avérées ont été relevées… » Les détails sur tous les travaux d’ouvrage inachevés et les anomalies sont présentés dans un tableau joint à cette lettre. Pour la haute direction, « il s’en suit donc la nécessité pour les experts de la Regideso et ceux de Mercy Corps de se retrouver urgemment en vue des dispositions idoines à arrêter pour la finalisation des travaux non encore réalisés, ainsi que pour les correctifs à apporter aux anomalies et malfaçons susmentionnées. »
Dans cette lettre parvenue au siège de Mercy Corps à Goma le 3 décembre, la haute direction de la Regideso demande à l’ONG internationale britannique de « préparer un planning réaliste qui permettrait l’achèvement, à bon escient, de tous les ouvrages prévus, ainsi que la correction des malfaçons constatées, afin de garantir un fonctionnement cohérent et optimal de tous les équipements réalisés ».
Le programme Imagine étant arrivé à sa fin (initialement prévue en décembre 2020), la Regideso insiste auprès de Mercy Corps sur « l’urgence et l’intérêt » à « accorder au traitement de ces aspects techniques, afin d’éviter la remise précipitée des ouvrages mal réalisés et qui risqueraient de s’avérer inutiles pour une exploitation durable ». La Regideso mettait donc poliment en demeure Mercy Corps de prendre acte de ces observations et de « préparer très rapidement des pistes de solutions adéquates » à communiquer à la réunion des experts évoquée ci-haut.
Enfin, la Regideso n’apprécie pas que la manière dont Mercy Corps interprète et vulgarise la loi relative à l’eau, ainsi que ses mesures d’application, principalement sur le transfert d’ouvrages aux provinces. « La Regideso rappelle que cette campagne ne devrait pas être votre priorité.
À ce stade, il serait plutôt judicieux d’éviter de se lancer dans des activités relevant de la responsabilité des institutions officielles et de concentrer l’attention dans le suivi de tous les travaux non encore exécutés, la finalisation des ouvrages exécutés partiellement et dans la correction rapide des malfaçons signalées, afin de boucler ce programme », conclut la haute direction de la Regideso.
Réveil tardif ?
Comment réagir après avoir pris connaissance du contenu de cette lettre ? Selon toute vraisemblance, cette mise au point n’arrive pas à point nommé. Au contraire, ç’a l’air d’un réveil tardif ça n’y ressemble pas fort.
En effet, les reportages de Business et Finances sur la ville de Goma qui se transforme à la vitesse grand V ont contribué à bouger les lignes, reconnaît-on dans des milieux de la société civile locale. Les quelques ouvrages réalisés le sont en grande partie grâce aux dénonciations de notre journal. Lesquelles ont eu l’effet d’attirer l’attention des autres médias et des hommes politiques de la province à s’intéresser de plus près à ce dossier.
Il faut dire que la province et la Regideso n’ont pas bien joué leur rôle d’acteurs actifs dans ce projet si vital pour les populations. Il est évident que la Regideso se réveille tardivement. Malheureusement. La grande partie du financement du projet a pris d’autres destinations. Normal que la Regideso se plaigne que peu de travaux soient réalisés, que d’autres soient inachevés et qu’enfin il y ait des malfaçons… À Goma, beaucoup sont surpris de cette volte-face de la Regideso. Et à son origine, la décision de Mark James Dweyer, en tant que directeur de E4I, de nommer un nouveau directeur gérant de Congo Maji à la place Papy Byamungu Saïdi.