DE NOMBREUX contrats dans le secteur extractif (mines et hydrocarbures) restent à ce jour non publiés. Pour la majorité des investisseurs, l’opacité qui entoure l’attribution des contrats, licences et accords dans le secteur extractif en fait encore un terrain propice pour la corruption et le trafic d’influence. Au niveau national tout comme au niveau international, beaucoup d’initiatives de lutte contre la corruption sont prises, mais la mise en œuvre de mesures visant à réprimer efficacement les actes répréhensibles s’avère une tâche difficile.
Regardons les choses en face : la corruption sévit dans de nombreux pays du monde, y compris les États-Unis, les pays d’Europe, la Chine… La corruption dans les industries extractives mine vraiment le développement des États les plus pauvres de la planète, comme la République démocratique du Congo. Et les conséquences sur la gouvernance sont très graves. Bref, la corruption est la plus grande menace à laquelle le secteur extractif est confronté…
Réformer le cadre juridique
Des sommes importantes sont en jeu dans les accords extractifs, et, seule, la transparence dans la conclusion des contrats, licences et autres accords peut dissuader fortement ceux qui sont détenteurs du pouvoir d’État à tous les niveaux de conclure « des contrats emprunts de partialité ou donnant lieu à des gains personnels ». Avec l’exigence de publication des contrats, plus grande est la probabilité d’avoir des contrats « plus équitables, conformes au cadre juridique (national et international).
Le Fonds monétaire international (FMI) qui est en pourparlers avec le gouvernement congolais depuis septembre 2020 en vue de la conclusion d’un accord formel de programme triennal, fait de cette exigence l’un des trois préalables à cet accord, à savoir la transparence dans le secteur minier, notamment la publication du rapport ITIE et des contrats miniers, en particulier avec la Minière de Bakwanga (MIBA) et la SOKIMO.
Outre la lutte contre la corruption dans le secteur extractif, la publication des contrats a l’avantage de faire participer réellement le secteur extractif du développement du pays. À ce propos, Helen Clark, la présidente de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), déclare : « Les collectivités ont tout à gagner de la transparence des contrats. Elles seront en mesure de déterminer quels revenus elles pourront escompter des entreprises, et les subventions et incitations fiscales octroyés aux entreprises apparaîtront en toute clarté. Les parties prenantes seront en mesure de surveiller les obligations imposées aux entreprises en matière d’environnement, d’effectuer des paiements sociaux, et elles pourront également créer des emplois locaux et utiliser les fournisseurs locaux. »
À ce jour, 37 sur les 55 pays mettant en œuvre l’ITIE ont divulgué une partie ou la totalité des contrats extractifs. Les informations sur les contrats sont de plus en plus utilisées. Par exemple, les gouvernements en Afghanistan, Arménie, Mongolie et au Ghana sont déterminés à mettre en œuvre ce programme. En Mongolie, particulièrement, la publication complète des contrats est inscrite comme exigence dans le projet de loi qui devra être adopté cette année.
Souvent accusées d’être prédatrices de ressources naturelles dans les pays où elles sont installées, les entreprises minières, pétrolières et gazières réclament même la publication des contrats comme un élément majeur de transparence. Tom Butler, le directeur général du Conseil international des mines et des métaux (ICMM), souligne : « La divulgation des contrats aide à instaurer la confiance, à promouvoir un engagement ouvert et transparent, et à contribuer au développement social, économique et institutionnel des pays et communautés hôtes, tous, des principes au cœur des engagements de l’ICMM en matière d’adhésion. »
D’après lui, l’ICMM se félicite de l’introduction de la disposition de l’ITIE sur la divulgation des contrats. « En effet, elle uniformise les règles du jeu pour les entreprises minières responsables et met en évidence la transparence de leurs engagements à l’égard des gouvernements hôtes. »
De nombreuses entreprises soutenant l’ITIE préconisent la transparence des contrats, notamment les grandes sociétés d’exploitation minière, pétrolière et gazière. Et la pandémie de Covid-19 a encore de graves répercussions sur le secteur, en affectant les revenus dans les pays tributaires des ressources naturelles.
« À mesure que les tensions financières liées à la pandémie se font sentir et que les entreprises et les gouvernements cherchent à renégocier les transactions, le risque d’un nivellement par le bas des modalités des contrats augmente », fait remarquer Elisa Peter, la directrice exécutive de l’organisation Publiez ce que vous payez. Et de poursuivre : « La divulgation complète et rapide des contrats est un moyen puissant permettant de contrecarrer cette tendance, en donnant au public la possibilité d’examiner des contrats s’élevant à plusieurs milliards de dollars qui ont un impact profond sur la vie des citoyens. »
Même si les progrès en la matière sont encouragés, l’ITIE estime que « beaucoup reste à faire pour assurer l’exhaustivité et l’accessibilité des dossiers liés à tous les contrats extractifs ». Au-delà de la publication proprement dite, « des efforts doivent être déployés pour veiller à ce que l’information sur les contrats puisse être utilisée et qu’elle éclaire le débat sur les options stratégiques, particulièrement sous l’effet de la pandémie de Covid-19 ».
Partage de pratiques
C’est dans ce cadre que la campagne #opendeals2021 de l’ITIE et la Semaine de la transparence des contrats ont été organisées pour aider les pays mettant en œuvre l’ITIE à atteindre ces objectifs. La Semaine dédiée à la transparence des contrats a été organisée par l’ITIE du 7 au 11 décembre 2020. Elle avait pour objectif d’aider les pays à mettre en œuvre les réformes et les activités liées à la publication des contrats avant la date d’entrée en vigueur de l’Exigence 2.4, c’est-à-dire le 1er janvier 2021. Un webinaire à portée globale et ouvert à tout public, avec des intervenants de qualité, a eu lieu le mercredi 9 décembre 2020. Tout comme des webinaires régionaux ainsi qu’une table ronde des partenaires ont été organisés tout au long de cette semaine dédiée.
À travers #opendeals2021 et la Semaine de la transparence des contrats, partenaires, exécutants et parties prenantes se sont réunis pour discuter des avantages, des opportunités et de meilleures pratiques de la transparence des contrats. Aujourd’hui, le but avoué est de mettre en relief les progrès réalisés en matière de transparence des contrats, de partager les meilleures pratiques et les enseignements tirés, d’apporter un soutien aux pays et de renforcer l’engagement politique en faveur de la transparence des contrats. Les gouvernements, l’industrie et la société civile sont donc appelés à échanger les idées sur comment assurer la transparence des contrats et les avantages qu’elle peut apporter à diverses parties prenantes, à travers des initiatives novatrices.
La campagne mondiale Publiez Ce Que Vous Payez pour soutenir la transparence dans les activités extractives fait aujourd’hui pression sur leurs gouvernements pour qu’ils rejoignent l’ITIE. L’initiative a été lancée par Tony Blair, ancien 1ER Ministre britannique, à l’occasion du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002.
Celle-ci mise sur une concertation entre représentants d’États, de sociétés pétrolières, d’organisations internationales et de la société civile en vue d’accroître la transparence des revenus générés par les compagnies pétrolières, gazières et minières. En RDC, l’ITIE est aussi venue renforcer la mobilisation d’organisations de la société civile sur l’exploitation des ressources naturelles du pays. L’ITIE a permis notamment de dénoncer le code minier de 2002 (modifié en 2018) qui ne respectait pas les intérêts du pays.