DES CONTENEURS de 20 pieds à 4 400 dollars pour relier la Chine à l’Europe, d’après le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI). C’est le prix enregistré ces derniers jours. Ils étaient à 1 000 euros en juillet 2020. Les 40 pieds sont passés à plus de 9 000 dollars. Et un peu plus vers l’Afrique. Les échanges ont repris certes, mais les conteneurs et les capacités maritimes ne sont pas au rendez-vous.
Trois facteurs expliquent cette situation. « Une diminution du parc de conteneurs, une augmentation brutale de la demande au second semestre et surtout l’axe trans-Pacifique qui a absorbé toutes les capacités, décrypte Camille Contamine, déléguée aux affaires maritimes chez TLF, une organisation professionnelle du transport et de la logistique. Beaucoup de conteneurs sont bloqués aux États-Unis, mais aussi en Australie où il y a une grève des dockers. À la Réunion, 4 500 conteneurs étaient coincés dans les champs de canne à sucre. Il y a un déséquilibre total. » Pour sa part, Antoine Person, le secrétaire général de Louis Dreyfus Armateurs, fait remarquer : « Quand la demande a accéléré en sortie de confinement, les conteneurs étaient mal positionnés. C’est un problème de disponibilité des boîtes. »
Les répercussions sont très importantes pour les chargeurs (industriels et distributeurs). « La hausse des prix du transport de conteneurs entre la Chine et l’Europe touche la plupart des secteurs industriels, aussi bien pour l’import que pour l’export », regrette Jean Michel Garcia, le délégué transports internationaux à l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF). Et d’ajouter : « De plus, certaines compagnies maritimes ne répondent plus, les délais d’attente sont en forte hausse. C’est extrêmement pénalisant. »
Pendant le premier semestre et la période de confinement, les armateurs ont réduit leurs capacités de 30 %. Et il faut du temps pour remettre ces porte-conteneurs à la mer. Soudainement, la demande s’est envolée. Elle a créé un réel dérèglement du marché international par rapport aux services demandés. « Cette augmentation est aujourd’hui généralisée. Elle touche toutes les routes maritime », se désole Jean-Michel Garcia. Tous les experts disent que si la situation perdure, c’est lié au Nouvel An Chinois, mais j’ai de gros doutes. »
Le surbooking
Il faut désormais réserver ses demandes de transport 50 jours à l’avance, au lieu de 10 jours précédemment. Les chargeurs dénoncent aussi le surbooking, qui engendre des annulations. Certaines entreprises doivent utiliser le train ou l’avion pour importer ou exporter. Les surcoûts ont atteint 3 millions d’euros pour certaines d’entre elles. Les retards de livraisons mettent à mal les entreprises au niveau des chaînes de production, mais aussi pour approvisionner les commerces, notamment lors des promotions et maintenant pour les soldes. Et en Europe, ces dysfonctionnements ont un impact sur la relance.
Si la situation perdure avec le Nouvel An chinois et pourrait s’améliorer en avril prochain, la colère monte du côté des associations de transitaires et des chargeurs en Chine. Ils ont rencontré le ministère des Transports, qui va mener une enquête auprès des compagnies maritimes. Aux États-Unis, les bonnes pratiques sont analysées. Seules les autorités européennes restent pour l’instant silencieuses, selon TLF.
Dans cette crise, les compagnies maritimes tirent les marrons du feu. Selon les analystes du secteur, les marges des plus gros armateurs dans le conteneur ont atteint au troisième trimestre leur plus haut niveau depuis dix ans, à près de 15 %. « La crise sanitaire a confirmé la pertinence de la stratégie de CMA CGM, en ce qui concerne la complémentarité entre les solutions logistiques et l’offre de transport », se félicite Olivier Nivoix, le directeur central exécutif des lignes maritimes du groupe dont « le chiffre d’affaires est en hausse de plus de 6 % au 3è trimestre 2020, par rapport au 3è trimestre 2019. » Alors que le marché mondial du transport maritime par conteneurs a connu une augmentation de 15,6 % des volumes transportés au second semestre 2020 par rapport au premier, CMA CGM a enregistré une augmentation de ses volumes de 18,4 %.
Conséquence de la pandémie
Les prix pour assurer le transport de marchandises depuis la Chine sont en forte hausse ces derniers mois, conséquence de la pandémie qui dope la demande en produits manufacturés et change les habitudes de consommation. Le coût du transport de marchandises depuis la Chine flambe depuis plusieurs mois. Conséquence directe d’une hausse de dépenses en biens de consommation et de la chute de capacité du fret aérien, selon les analystes. Toutefois, cette montée des prix devrait redescendre dès le retour « à la normale » des « modes de consommation ».
« Il existe plusieurs mesures différentes des coûts du transport maritime mondial, mais toutes indiquent une forte hausse au cours des derniers mois », ont relevé les analystes de Capital Economics. Plus encore, le Freightos Baltic Index, « qui mesure le coût du transport de conteneurs, pertinent pour le transport de produits manufacturés », toujours selon les analystes de Capital Economics, a presque quadruplé pour la route de la Chine vers l’Europe depuis fin octobre, de même que celui de la Chine vers la côte ouest des États-Unis depuis le début de l’été.
L’augmentation des coûts de transport maritime reflète une combinaison de facteurs, le principal étant le changement des habitudes de consommation provoqué par la pandémie de coronavirus.
De plus, « la capacité du fret aérien a chuté de façon spectaculaire, obligeant certaines marchandises à voyager par mer », complète Joanna Konings, analyste d’ING, de quoi « ajouter à la pression exercée sur la capacité de fret maritime et entraîner une hausse des prix, voire des pénuries ». Cette poussée de fièvre « sera probablement de courte durée » tempèrent les analystes de Capital Economics, du fait des campagnes de vaccination et de la levée espérée des mesures de confinement permettant « aux modes de consommation de revenir à la normale ».