Gaz Deux ministères se disputent la gestion de l’industrie gazière

Qui du ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques et de celui des Hydrocarbures est habilitée à gérer la future exploitation du gaz en RDC ? Branle-bas général.

POUR les experts du ministère de l’Énergie, dès que le gaz est transformé pour être utilisé comme courant électrique, il tombe dans l’escarcelle de leur ministère, à l’image des eaux souterraines. Tanis que pour leurs collègues du ministère des Hydrocarbures, le principe de Proust s’impose, telle une lapalissade, c’est-à-dire la transformation n’affecte en rien la nature du gaz. La firme pétrolière Perenco a annoncé un important investissement de quelque 250 millions de dollars pour transformer le gaz qui s’échappe lors de l’extraction de l’or noir, au large de Muanda, en énergie électrique. 

Perenco compte, en effet, produire quelque 200 MW qu’il vendrait aux cimentiers du Kongo-Central et aux miniers du Grand Katanga à travers une connexion à la ligne très haute tension courant continu (THTCC) Inga-Shaba. Le projet pourrait être opérationnel d’ici 2021. 

D’immenses réserves

Le groupe pétrolier franco-britannique compte des réserves de 20 milliards de m3 en offshore et 10 milliards en on shore sur son champ pétrolier. À Muanda, Perenco utilise déjà le gaz pour alimenter les générateurs de la centrale de Kinkazi. Pour le grand bonheur des communautés locales. Quelques 70 villages se retrouvent ainsi électrifiés! Mais il n’est pas que le pétrolier Perenco qui s’est lancé dans l’aventure gazière. La Minière de Bakwanga (MIBA) en a également manifesté l’intention ainsi que d’autres privés. Si la loi reconnaît à ce jour l’autorisation d’importation et de commercialisation du carbure de calcium et du gaz comme un acte générateur de recettes relevant du ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, la certification des réserves gazières, l’octroi de permis de recherche et de production relèvent du ministère des Hydrocarbures. Pour  ce faire, un budget de 55 966 400 000 FC, soit un peu plus de 32 millions de dollars est prévu pour 2019.

Terminal gazier

À Kinshasa, depuis juillet 2018, l’entreprise Coete Gaz s’active dans la vulgarisation de l’utilisation du gaz de pétrole liquéfié ainsi que sa distribution dans des bonbonnes à des fins domestiques, comme substitut au bois de chauffe et au charbon de bois. Par ailleurs, Coete Gaz annonce l’implantation des terminaux gaziers  dans la commune de Limete, au marché de la Liberté, au rond-point Ngaba, à Kintambo-Magasin, à Bandalungwa-Bakayau et au centre-ville, dans la commune de Gombe. Il y a 5 ans, le cabinet Ernst & Young avait estimé que « l’exploitation du gaz naturel représente une opportunité phénoménale pour l’Afrique. Elle peut devenir un moteur essentiel pour la croissance économique et, plus largement, pour le développement social, ainsi qu’un atout majeur pour la croissance de l’emploi local et le développement de l’infrastructure ». Invité à Kinshasa, en septembre 2014, dans le cadre du forum économique I-PAD, Miguel Azevedo, alors directeur général à la Citibank pour l’Afrique subsaharienne, avait également proposé aux autorités de la RDC de se pencher sur les grandes perspectives du développement de l’industrie du gaz et du pétrole plutôt que de considérer toujours l’industrie minière comme moteur du développement du pays. 

Et concernant l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu, 65 milliards Nm3, le ministère des Hydrocarbures a fait comprendre à la commission Ecofin de l’Assemblée nationale qu’il a obtenu l’avis de non-objection de la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP) sur un projet de contrat d’exploitation. La signature de ce contrat peut intervenir incessamment. Six mois déjà se sont écoulés sans que le ministère des Hydrocarbures ne se justifie sur la non-exécution de nombreux projets d’exploitation du gaz restés en veilleuse. 

Le gaz du lac Kivu

Il sied de rappeler que si côté rwandais, l’exploitation du gaz a déjà commencé et produit du courant avec la firme rwando-étasunienne Kivu Watt, côté congolais, aucune visibilité sinon l’État et le ministère des Hydrocarbures ont été trainés en 2016, en justice par la firme Kivu Lake Energy Corporation (KLEC) qui s’est estimée flouée au profit des tunisiens Engineering Procurement & Project Management (EPPM) dans l’attribution provisoire du marché relatif au recrutement d’une société pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu en vue de la production de l’électricité.  En 2017, au lieu de l’exploitation, le gouvernement opte plutôt pour le dégazage du golfe de Kabuno où le gaz méthane aurait menacé d’exploser depuis quelques mois. 

Mais début juin 2017, Aimé Ngoy Mukena, le ministre des Hydrocarbures, attribue, derechef, par sa lettre-décision n°001/PPP/M.Gaz.Elec/CGMP/Min-Hydro/2017, le marché d’exploitation du gaz du lac Kivu au consortium EPPM, et Swede Energy DRC Transcentury Limited. Le ministre a dit se fonder sur l’ordonnance de la Cour suprême de justice n° RA 1553 du 15 mars 2017, qui rejette le recours de la société KLEC. 

En outre, le 22 mai 2017, la DGCMP lui avait accordé un avis de non-objection dans sa lettre n°0346/DGCMP/DG/DRE/D4/BNJ/2017, sur son rapport de réévaluation combinée. En clair, il y a plus de deux ans que le ministère des Hydrocarbures a reçu le fameux avis de non-objection et a même attribué le marché.