LES ASSISES de Kinshasa de l’Association des Banques centrales africaines (ABCA) ont permis de passer en revue les recommandations du Groupe de travail sur l’intégration des systèmes de paiement (GTISP). Cette unité de travail a été mise en place par le Groupe de projet sur l’intégration interrégionale des paiements pour superviser le développement et la gestion de la mise en œuvre d’un cadre d’intégration des systèmes de paiement. Sa mission a consisté à développer un cadre pour la mise en place d’une nouvelle infrastructure de paiement intégrée qui facilite les flux de paiement interrégionaux.
Les participants à la réunion de Kinshasa ont pris une série de décisions, notamment la tenue chaque année d’un séminaire interrégionale et d’un symposium avant la réunion des gouverneurs des Banques centrales d’Afrique. Les thèmes de l’année prochaine sont d’ores et déjà connus : « La question de l’innovation numérique » pour le séminaire et « Comment tirer parti des investissements pour faire avancer le système financier et la mise en place de la zone de libre-échange africaine ? » pour le symposium des gouverneurs.
Inégalités et inefficacités
L’Afrique est connue pour être le continent des inégalités et des inefficacités. Pourtant, elle représente un énorme marché intérieur avec des opportunités économiques importantes : près de 3 % de la production mondiale et du commerce mondial. L’Afrique est surtout le continent d’énormes écarts de développement entre les pays africains. Le commerce régional informel persiste en Afrique en raison de l’insuffisance des infrastructures liées au commerce, des systèmes de paiement et de règlement transfrontaliers sous-développés ainsi que des règlements en devises. Ce n’est pas tout : les paiements pour le commerce intra-africain passent par des routes détournées et impliquent généralement un pays extérieur au continent avant d’être reçus par le pays bénéficiaire qui pourrait être un voisin. Ces inefficacités augmentent le coût des transferts de fonds sur le continent, limitent le commerce entre les pays africains et renforcent l’attrait des canaux informels de transfert de fonds avec les risques associés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
Pour faire face à ces défis structurels des systèmes de paiement, de nombreux blocs régionaux tels que la CDAA, le COMESA, la ZMAO, la CEMAC, la CAE et l’UEMOA ont poursuivi diverses initiatives pour moderniser leurs systèmes de paiement régionaux et également développer des infrastructures ainsi que des cadres juridiques régissant les opérations de paiement. Ces systèmes fragmentés et cette hétérogénéité compliquent les échanges intrarégionaux et les paiements transfrontaliers et rendent également les transactions bancaires transfrontalières difficiles.
Dans le cadre de l’Agenda 2063, l’Union africaine (UA) s’est engagée à accroître le commerce intra-africain à 50 % d’ici 2045 grâce au développement d’une infrastructure de paiement intégrée. L’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) signé en 2018 par 44 pays africains a des objectifs à long terme ambitieux visant à approfondir l’intégration entre les États membres de l’UA et à bâtir une Afrique prospère et unie.
Conformément à l’approbation de l’Assemblée des gouverneurs de l’ABCA en août 2018, une intégration interrégionale des systèmes de paiement s’inscrit dans cette perspective. Il s’agit de mettre en œuvre des réformes juridiques pour la modernisation et l’intégration des systèmes de paiement africains ; répondre aux prérequis techniques pour la modernisation et l’intégration des systèmes de paiement africains ; identifier les composantes d’un mécanisme multilatéral de compensation pour des systèmes de paiement africains efficaces ; développer un cadre institutionnel pour le développement et l’interconnexion des systèmes de paiement africains.
L’objectif est donc de favoriser le commerce intra-africain et formaliser une partie du commerce non comptabilisé en raison de la prévalence du commerce transfrontalier informel en Afrique ; offrir une alternative au coût relativement élevé et aux longues relations de correspondant bancaire existantes en vue d’engendrer des échanges et d’autres activités économiques entre les pays membres grâce à un coût plus bas de paiement, de compensation et de règlement ; soutenir les objectifs de l’Accord de libre-échange continental africain dont l’intégration des infrastructures de paiement transfrontalières africaines est un catalyseur.
Pour le GTISP, l’intégration des systèmes de paiement proposés vise à minimiser la durée et la variabilité temporelle des paiements transfrontaliers en Afrique ; réduire le coût des paiements transfrontaliers, les besoins de liquidité des banques commerciales pour les relations de correspondant bancaire et à renforcer la surveillance des systèmes de paiement transfrontalier des banques centrales grâce à des rapports efficaces et à une gestion prudente des risques.
Le mandat de Malangu
Malangu Kabedi Mbuyi a pris la mesure de la tâche qui l’attend. À sa charge désormais de faire avancer l’agenda de l’intégration monétaire au niveau de l’Union africaine. « Même lorsqu’il y a des échanges au niveau des pays africains, les études ont démontré que le paiement se passe toujours par le système de l’Amérique du Nord ou en Europe. Donc, il y a cette réforme importante qui consiste à mettre en place un système de paiement intégré des Banques centrales », déclare-t-elle. Au cours de son mandat, elle pourra s’appuyer sur une expérience pilote de l’Afrique de l’Ouest pour l’étendre au niveau continental, de manière à parvenir à un système intégré inter-régional, et particulièrement un système avec le paiement en monnaies locales.
En effet, la Zone de libre-échange continental (ZLECAF) ne pourrait atteindre ses objectifs tant que les États africains continueront à transacter en devises étrangères. La gouverneure de la Banque centrale du Congo promet de ne pas s’écarter de la vision de l’UA. D’après elle, les critères de convergence des économies nationales sont très importants dans le processus d’intégration économique. Malheureusement, constate-t-elle, toutes les économies nationales africaines ont été frappées par la pandémie de Covid-19 et les résultats ne sont pas satisfaisants.
À Kinshasa, les échanges ont tourné autour des mesures arrêtées par les autorités budgétaires pour juguler la crise et autour des défis à relever par les pays pour relancer les économies africaines menacées par la crise sanitaire qui a contribué à réduire leur marge budgétaire. En d’autres termes, comment relancer les économies après la crise, tout en maintenant la dette publique à un niveau soutenable, compatible aux objectifs de croissance économique du continent africain.
Selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), les déficits budgétaires des pays africains ont presque doublé, passant de 4,6 % du PIB en 2019 à 8,4 % en 2020. « Cette détérioration de la position budgétaire des États est attribuable, d’une part, à des fortes dépenses de relance et, d’autre part, à la chute drastique des recettes publiques.
« Les critères de convergence portent sur beaucoup d’éléments qui, en eux-mêmes, ne relèvent pas directement de la Banque centrale. Mais en tant que Banque centrale, nous devons veiller à mettre en place les politiques qui nous sont dévolues, de manière à harmoniser, par exemple, avec les politiques en matière des finances publiques », souligne-t-elle.
L’ABCA a reçu mandat de suivre ces critères de convergence, qui portent notamment sur la dette intérieure, le déficit des finances publiques, le financement. Ces critères exigent que les Banques centrales continuent à travailler avec les autres décideurs économiques en harmonie, de manière à ce que les pays africains fassent montre de progrès par rapport à ces critères de convergence arrêtés de commun accord au niveau continental.