LA MULTINATIONALE zougoise s’est engagée à fournir au total 150 000 tonnes de cobalt entre 2020 et 2029, contre 61 200 tonnes initialement convenues sur la période 2020-2024. Par ailleurs, China Molybdenum a annoncé qu’elle investira un peu plus de 2,5 milliards de dollars pour doubler la production de cuivre et de cobalt dans sa mine géante de Tenke Fungurume qu’elle a achetée à Freeport McMoRan en 2016. Cette annonce fait suite à l’acquisition par elle de Kisanfu, autre propriété de Freeport en République démocratique du Congo, pour 550 millions de dollars en décembre dernier.
La production d’essai pour une extension distincte à Tenke Fungurume avait déjà commencé et d’ici 2023, la production de cobalt de la mine devrait doubler pour atteindre 34 000 tonnes par an. L’expansion de cette ampleur sur ce qui est un marché minuscule devrait mettre un frein aux perspectives de la matière première utilisée principalement pour les superalliages et dans la chaîne d’approvisionnement des batteries. L’approvisionnement en cobalt est déjà très concentré (plus des deux tiers sont extraits en RDC et environ 80 % du traitement intermédiaire se fait en Chine) et l’expansion de Tenke Fungurume pourrait renforcer davantage le contrôle des plus gros acteurs.
Il est évident que la RDC est au centre des attentions pour ce marché qui a surpris en 2020 par une stabilité qui contraste avec la volatilité des années précédentes. Selon les perspectives de Roskill, une société d’analyse sectorielle, l’exploitation du cobalt de RDC devrait être davantage dominée par les grands producteurs existants et évoluer vers un oligopole d’ici 2025. Roskill dit que les gisements oxydés à haute teneur près de la surface au Congo ont été épuisés après des décennies d’exploitation minière à grande et à petite échelles. Les teneurs au niveau du sol se sont maintenant dégradées à un point tel que les déchets sont désormais retraités dans des opérations telles que le terril de Lubumbashi de STL et le Metalkol RTR d’ERG qui récupère les résidus de l’exploitation minière menée dans les années 1950.
Dans une note publiée récemment, Roskill fait remarquer que d’ici 2025, les trois principaux exploitants du cobalt congolais pourraient fournir plus de la moitié du marché. Seulement voilà, ils doivent de plus en plus se tourner vers l’exploitation souterraine, car les gisements à haute teneur en cobalt qui se trouvaient autrefois abondamment près de la surface s’épuisent. « Pour accéder à des minerais de teneur suffisamment élevée pour une exploitation viable et prolonger la durée de vie des mines, les mineurs sont obligés de creuser davantage », expliquent les analystes de Roskill.
En outre, les sociétés minières opérant en RDC ont également de plus en plus tendance à passer des gisements oxydés aux gisements sulfurés pour débloquer de nouvelles ressources. « L’exploitation minière souterraine peut être plus coûteuse que l’exploitation minière à ciel ouvert […]. Dans le cas de la RDC, plus les mines sont profondes, plus le ratio cuivre/cobalt augmente, reflétant des teneurs en cuivre de plus en plus élevées au détriment du cobalt. Cela devrait relever un peu plus la barrière à l’entrée pour les juniors minières de cobalt à la fois économiquement et techniquement »,soulignent-ils.
Peu d’impact sur le prix
La RDC fournit plus de deux tiers de l’offre globale, qui était d’à peine 140 000 tonnes en 2020 selon l’USGS. Quel impact aura l’accélération de l’extraction des deux métaux de base que sont le cuivre et le cobalt ? Selon Roskill, la nouvelle offre de Tenke Fungurume Mining (TFM) n’aurait que peu d’impact sur les prix.
Même si les perspectives pour le marché du cobalt restent plutôt solides. En effet, la demande de la matière première devrait continuer de croître jusqu’en 2030, soutenue par l’adoption des véhicules électriques dans le monde entier et par la demande saine à moyen terme de l’électronique portable dans le cadre du déploiement de la technologie 5G.
La tendance à réduire l’utilisation du cobalt dans les batteries des véhicules électriques se poursuivra, mais à en croire plusieurs analystes du secteur, elle sera compensée par la taille croissante du marché. Pour les mêmes analystes, les expansions massives ne nuiront pas au prix du cobalt alors que l’offre se déplace vers l’oligopole. L’hydroxyde de cobalt (matière de base généralement produite dans les mines dans le cadre du traitement primaire des minerais) a été en baisse, en hausse de 15 % en juillet à 46 375 dollars la tonne, portant les gains jusqu’à présent cette année à 64 %, selon Benchmark Mineral Intelligence.
Les sociétés minières opérant en RDC ont désormais tendance à passer de l’exploitation à ciel ouvert à l’exploitation souterraine, et des gisements oxydés aux gisements sulfurés pour débloquer de nouvelles ressources et prolonger la durée de vie des mines. « Alors que le projet d’expansion 10K de Tenke Fungurume se concentre sur le traitement de minerais oxydés, ce projet de minerai mixte cible plus profondément la zone de transition entre les réserves de minerai oxydé et de minerai sulfuré », rapporte Roskill.
De même, les principaux mineurs de cobalt du pays, tels que Glencore et Wanbao Mining, évaluent également la possibilité de développer des ressources de minerai sulfuré dans les opérations de Mutanda et de Kamoya afin d’augmenter la capacité. « L’exploitation minière souterraine peut être plus coûteuse que l’exploitation à ciel ouvert, en raison de l’investissement en capital et des coûts d’exploitation plus élevés. Dans le cas de la RDC, à mesure que les mines s’approfondissent, le rapport cuivre/cobalt augmenterait généralement, reflétant l’augmentation des teneurs en cuivre et la baisse des teneurs en cobalt », soulignent les analystes de Roskill. Qui pensent que cela augmenterait la barrière d’entrée pour les mineurs de cobalt sur le plan économique et technique dans les années à venir.
Glencore veut réveiller Mutanda dès l’année prochaine
D. L.
La décision de Glencore de redémarrer en 2022 la production de la mine de cuivre-cobalt de Mutanda, à quelques kilomètres de Kolwezi vers la ville de Likasi, sera probablement l’une de nombreuses mesures nécessaires pour garantir que la croissance de l’offre puisse suivre la trajectoire de la demande croissante, estiment des analystes. La mine de Mutanda, la plus grande mine de cobalt au monde, a été mise en veilleuse effectivement en août 2019 pour des raisons de maintenance et d’entretien. Selon Glencore, la mine n’était plus « économiquement viable », à cause de la chute des prix. Mais pour bien des ONG, c’était un « chantage », un moyen de pression sur le gouvernement pour le forcer à revoir le code minier révisé et pour ne pas payer les taxes additionnelles. Selon ces ONG, Glencore aurait pendant plusieurs années profité de l’embellie du prix du cobalt sur le marché pour s’octroyer des avantages indus et excessifs.
La décision de la multinationale suisse des matières premières de redémarrer Mutanda Muning (MUMI) fait suite à une reprise constante des prix du cobalt depuis les creux d’août 2019 et à l’intensification rapide de la demande des secteurs des véhicules électriques et du stockage d’énergie. Lors de sa dernière exploitation en 2019, Mutanda a produit 103 200 tonnes de cuivre et 25 100 tonnes d’hydroxyde de cobalt, contre respectivement 199 000 tonnes et 27 300 tonnes en 2018.
Ash Lazenby, le négociant en cobalt de Glencore, a déclaré que Mutanda devrait produire des volumes approchant les 20 000 tonnes de cobalt d’ici 2025, mettant en évidence une montée en puissance progressive mais constante à mesure que la demande du marché augmente. Le marché devrait connaître des baisses de stocks et des déficits marginaux à partir de 2023.