Dans quels supermarchés et quels rayons fait-on le plus ses courses ?

Depuis quelques années, les grandes et les petites « alimentations », comme on les appelle à Kinshasa se multiplient en dehors du centre-ville et se font une guerre d’enseignes, voire commerciale. Elles cherchent avant tout des emplacements premium et de la proximité. Si les clients sont satisfaits, ce n’est pas pour autant du goût de tous, car certaines petites épiceries privées et des vendeuses de marché en souffrent déjà.

Depuis une dizaine d’années, la fréquentation des supermarchés a rapidement augmenté, selon des chiffres compilés par le centre d’études Alternatives et des associations de consommateurs. La part de marché des rayons non-alimentaires dans les ventes des supermarchés a lourdement chuté, tandis que le rayon hygiène, parfumerie et beauté, quant à lui, est resté stable. Électroménager, high-tech, jouets ou textile … Les rayons non-alimentaires sont en perte de vitesse dans les grandes surfaces. Leur poids dans le chiffre d’affaires moyen d’un supermarché a ainsi chuté de 6 points en dix ans, passant de 26,4 % à 19,9 %, selon des chiffres compilés par le centre d’études Alternatives et des associations de consommateurs. Le rayon hygiène, parfumerie et beauté, quant à lui, est resté stable (10,3 % en 2000 contre 10,4 % en 2016). « Le repli du non-alimentaire est dû à l’essor des distributeurs spécialisés », explique Marcel Betu Kumesu, président du centre d’études Alternatives. « Il y a dix ou quinze ans, le supermarché était la destination la plus spontanée pour aller acheter une cafetière ou des jouets, mais tous les rayons des distributeurs généralistes sont maintenant concurrencés. »

L’essor des enseignes de bricolage, de jouets, ou encore d’électronique grand public, désormais bien implantées dans le centre-ville, sur l’avenue du commerce comme dans les zones commerciales en périphérie du boulevard du 30 Juin, détourne progressivement les consommateurs de ces rayons en grande surface. «L’offre est plus large et diversifiée dans ces enseignes et les clients y recherchent les conseils de vendeurs spécialisés », selon Marcel Betu.

La « zone marché » stratégique

Cette tendance profite très nettement aux rayons alimentaires qui, eux, ont tous grignoté des parts de marché. Le frais traditionnel grappille ainsi 1 point (16,2 % contre 17,2 %), les liquides passent de 11 % à 12,6 %, l’épicerie de 16,6 % à 18,2 % et le frais en libre-service grimpe de plus de 2 points (19,5 % contre 21,6 %). Le frais traditionnel est particulièrement important pour les supermarchés. Ce segment est « vecteur d’image pour les enseignes (notamment les fruits et légumes), il est également source de dynamisme pour les supermarchés », souligne Florentin Kanu, chercheur au centre Alternatives. « Les zones marché répondent à la concurrence des marchés et magasins spécialistes de la catégorie. »

C’est pourquoi, depuis quelques années, les distributeurs soignent leurs rayons produits frais. « Les surfaces dédiées en magasin sont élargies et réorganisées, par exemple avec le développement du bio ou des produits du terroir. Ces univers prennent peu à peu la place lâchée par le non-alimentaire », observe Marcel Betu. Alors que le commerce de porte à porte gagne peu à peu du terrain, les supers doivent accentuer leur visibilité à travers la publicité à la télévision, voire à la radio, insiste le spécialiste. « Ce secteur souffre encore d’un sous-investissement en communication. Les grandes surfaces y consacrent seulement entre 2 et 5 % de leur budget global.

« En famille ou seul »

L’étude du secteur réalisée par le centre Alternatives fait aussi ressortir que les expatriés, notamment les Blancs, fréquentent les supers que les nationaux, en raison de leur meilleur niveau de vie et de culture de la consommation. Ils sont talonnés par les gens de la bourgeoisie : familles nanties, cadres politiques et d’entreprise ; mais aussi par les citoyens de classes moyennes. Et pourquoi pas par le citoyen lambda. En effet, depuis 2010, les supermarchés et les restaurants modernes ne sont plus l’apanage de seuls « riches ». En famille ou en bonne compagnie, le Congolais lambda, adolescent ou adulte, est sans complexe. Un détour suffit dans les supers et restaurants pour voir l’air que les Kinois affichent !

La hausse de la fréquentation des supers s’explique essentiellement par la qualité et la variété des produits à la vente. Contrairement aux marchés kinois des produits alimentaires, par exemple, les supers font un point d’orgue sur l’hygiène et les conditions de conservation sont souvent respectées. Quoi de plus normal que les supers sortent de la tour d’ivoire du centre-ville dans laquelle ils s’étaient enfermés pour essaimer partout dans la capitale à la recherche de la nouvelle clientèle. « Faire ses achats dans le supermarché n’est plus un luxe à Kinshasa, c’est même aujourd’hui un motif de fierté personnelle parce qu’il est à la portée de toutes les bourses », souligne le sociologue Florentin Kanu.

Le classement ou le top 10

D’après lui, il y a un lien qualité-prix dans les habitudes de fréquentation des supers par les Kinois. D’où le classement ou le top ten (10) des supers les plus fréquentés de Kinshasa. Le supermarché Hasson et Frères, sur l’avenue Isiro (derrière la SOZACOM) et son pendant Plazza Village (16è Rue Limete), occupent la première place dans le classement. Ils forment le plus grand complexe commercial de Kinshasa et sûrement de la RDC, malgré la venue d’un géant de l’alimentation sud-africaine, Shoprite dans l’enceinte de ce qui fut GB. Hasson et Frères  et Plazza Village offrent plusieurs possibilités parmi lesquelles des restaurants, la garderie, des boutiques… et pratiquent des prix du marché. Shoprite est citée en deuxième position. Situé sur l’avenue de l’OUA (UA) à Kintambo, ce méga supermarché sud-africain propose des produits venant exclusivement d’Afrique du Sud. Le plus de ce supermarché, c’est son parking aisé et très sécurisé pour du shopping en famille. Au n°3, Kin Mart, sur le boulevard du 30 Juin. Un beau supermarché très grand, proposant des produits orientaux et locaux. Sa boulangerie est très appréciée par les amateurs de pain au lait et brioche. Kin Mart étend ses tentacules dans la ville (Limete, Bandal…). Au n°4, GG Mart. Situé sur l’avenue Tabu Ley, ex-Tombalbaye, dans l’immeuble ex-Kin Mazière, ancienne propriété de la famille présidentielle (Mobutu) rachetée par des hommes d’affaires indiens. Le supermarché est doublé d’une galerie marchande sur plusieurs étages avec parking sécurisé. GG Mart s’étend aussi dans la capitale (Lemba…). Au n°5, Peloustore sur le boulevard du 30 Juin. On ne présente plus  cette enseigne, leader dans les années 1990. Ayant choisi le haut de gamme de Kinshasa, Peloustore perd du terrain à cause de ses prix légèrement au-dessus de la moyenne. Mais la qualité et la fraîcheur sont une tradition. Au n°6, City Market, avenue de l’Équateur. C’est l’un des grands supermarchés de Kinshasa très fréquenté par les expatriés. Il abrite un grand fast-food. Ses gâteaux d’anniversaire sont très prisés. Au n°7, Kin Marché, avenue de la presse et sur l’avenue Mpolo. Supermarché dont la devise est « au prix du marché », il propose des produits alimentaires de consommation courante, des produits de nettoyage, cosmétiques, vivres frais… Au n°8, Regal. C’est une chaîne d’alimentations présentes dans plusieurs communes de Kinshasa (Gombe, Barumbu, Limete…). Au n°9, Food Market (Kintambo, Lemba, Ngaba, Masina. C’est une chaîne d’alimentations moderne. Au n°10, Kin Food. La plupart des supermarchés de Kinshasa proposent de tout. Quelques-uns seulement sont spécialisés. Comme Kin Food, qui propose des produits surgelés au prix de gros aux restaurateurs et aux familles.

Pour le centre d’études Alternatives, « les bons prix se diffusent mais leur réussite demeure conditionnée à la mise en place d’une politique d’attrape clients. Si le prix est révélateur du taux de fréquentation, il n’en est pour autant pas l’unique levier. L’accessibilité, l’animation, la sécurité… sont pour le centre Alternatives autant de facteurs d’attirance des clients. Le centre a donc établi un classement des supermarchés ayant l’attrait le plus dynamique. Le centre d’études Alternatives est un groupe de chercheurs pluridisciplinaire qui mènent des enquêtes sur la société. Son classement a été effectué sur un échantillon de 1000 personnes. Pour ces supers, il apparaît qu’au moins trois des cinq critères suivants sont toujours respectés: l’accessibilité ; le bon partage de l’espace entre rayons alimentaires, rayons non-alimentaire, rayons hygiène-parfumerie-beauté et rayons vêtements ; l’organisation d’événements (fêtes d’anniversaire et autres) ; espaces restaurant et jeux ; la proximité avec le lieu du travail et la maison…