Le patron de Spotify assis sur plus de 2 milliards de dollars

Encore peu connu du grand public, Daniel Ek devrait faire son entrée dans le prochain classement Forbes des personnes les plus riches de la planète. Ce Suédois de 35 ans est le co-fondateur et directeur général du leader mondial du streaming musical. 

 

L’introduction en bourse de sa société, Spotify, à Wall Street valorise sa participation de 9,2 % près de 2,5 milliards de dollars. Un petit pactole pour le dirigeant à la tête d’une entreprise fondée en 2006 et qui n’a encore jamais gagné d’argent depuis sa création. Retour sur les 10 événements marquants de la vie de Daniel Ek.

« L’homme le plus puissant de la musique ». C’est ainsi que le magazine Billboard – la Bible de la musique aux États-Unis – qualifiait en 2017 Daniel Ek, le  jeune créateur de Spotify. Un qualificatif qui sied plus que jamais au Suédois qui a fait entrer en Bourse son site de streaming musical. Alors que le streaming représente désormais la première source de revenus des artistes aux États-Unis, Spotify reste de loin la première plateforme au monde. Le site suédois qui compte 71 millions d’abonnés payant s’offre même le luxe de contenir le rouleau compresseur Apple (35 millions d’inscrits sur Apple Music). De quoi justifier une entrée en Bourse plusieurs fois repoussée. Mais cette fois ça y est, et l’on anticipe une valorisation de 20 milliards de dollars. Ce qui porterait la fortune de son fondateur Daniel Ek (qui en détient 10 %) à 2 milliards de dollars. Mais elle pourrait rapidement grimper bien plus haut. Certains analystes comme MKM voient un Spotify à 40 milliards de dollars de valorisation, soit 4 milliards de dollars pour son fondateur qui à 35 ans est à l’origine de la plus belle success story de la tech en Europe.

Un ordi à 5 ans et une Ferrari à 23 ans

Une guitare et un ordinateur (un Commodore VIC-20). Voilà les cadeaux que Daniel Ek reçoit à 5 ans et qui seront décisifs pour l’avenir du jeune Suédois. Il apprend rapidement à jouer de la guitare, à coder et regarde en boucle les clips sur MTV. Avec Spotify, il mêlera ses deux passions: musique et informatique.

À 13 ans, Ek commence à créer ses premiers sites internet. Sa réputation fait le tour du lycée et les demandes d’entreprises qui désirent avoir leur site commencent à affluer. Il n’a que 14 ans lorsqu’il crée son entreprise de création de sites en 1997. Son idée: casser les prix. Alors que ses concurrents facturent 50 000 euros le site, lui ne demande que 5 000 pour faire de gros volume. Le succès est considérable et il gagne jusqu’à 15 000 euros par mois. Mais à 16 ans, il rêve de travailler dans cette nouvelle start-up américaine dont on parle: un certain Google. 

Éconduit par un recruteur de Google qui lui conseille de faire des études, il crée son propre moteur de recherche, le revend à une société suédoise et s’inscrit au prestigieux KTH Royal Institute of Technology à Stockholm. École dont il claque la porte 8 semaines plus tard, trouvant les cours trop théoriques. À Stockholm, une agence de pub sur internet, Tradedoubler, fait appel à lui pour développer un programme pour gérer ses clients en ligne. À 23 ans, il empoche donc 2 millions de dollars, se paie un 3 pièces dans Stockholm et une Ferrari Modena rouge cerise.

Mais la vie de jeune jet-setter de l’internet le déprime et à 24 ans Ek vend sa Ferrari et son appart pour s’installer dans une cabane dans les bois près de chez ses parents. Il passe l’hiver 2006 en dépression à jouer de la guitare et à s’interroger sur son avenir. De passage à Stockholm, il tombe sur Martin Lorentzon, le patron de Tradedoubler qui lui avait acheté son logiciel deux ans plutôt. Et lui non plus n’aime pas ce qu’il fait et cherche un nouveau projet. Les deux s’enferment des semaines durant chez Lorentzon, regardent des films de gangsters (Le Parrain surtout), écoutent de la musique sur ITunes. Quand soudain ils ont l’idée d’un ITunes où tous les morceaux seraient accessibles sans téléchargement: Spotify est né.

Si le logiciel est une formalité pour Ek et son équipe d’ingénieurs, il en va autrement des droits pour des catalogues musicaux. Pour convaincre les investisseurs, il leur faut du contenu mais pour ça il faut commencer à acheter des droits aux maisons de disques. Lorentzon qui a revendu sa société met 2 millions sur la table et Ek vide son compte en banque, il n’a plus rien en 2008 lorsque le site est lancé.

La guerre avec Taylor Swift

Alors que Spotify s’est lancé avec succès aux États-Unis en 2011 et s’impose comme le leader mondial du streaming, l’artiste du moment Taylor Swift refuse que son nouvel album 1989 figure sur le site. Spotify ne rémunère pas assez les artistes, juge la chanteuse de 25 ans. Ek qui ne veut pas céder à ses exigences (elle veut que son album ne soit accessible qu’aux abonnés payants) se fend d’une lettre ouverte: « Elle a vendu plus de 1,2 million de copies de «1989» aux États-Unis la première semaine, et c’est super. Nous espérons qu’elle en vendra bien plus encore parce que c’est une artiste exceptionnelle qui fait de la super musique. Avant, de nombreux artistes vendaient des millions d’albums chaque année. Cela n’arrive plus aujourd’hui, les habitudes d’écoute des gens ont changé – et ils ne vont pas revenir en arrière. » 

Apple va-t-il faire chuter Spotify? Alors que la firme de Tim Cook lance enfin son site de streaming, tous les regards sont tournés vers le site suédois. Comment Spotify va résister au rouleau compresseur Apple? Daniel Ek se contente d’un tweet suite à la conférence d’Apple: « Oh ok. » Une façon de dire qu’il n’a pas peur? En tout cas, depuis le lancement de l’américain, Spotify n’a cessé de creuser l’écart avec son concurrent. Il compte désormais 71 millions d’abonnés dans le monde contre 35 millions pour le service d’Apple. « L’homme le plus important de la musique » n’a pas usurpé son surnom… 

Mariage princier en Italie 

En 2016, Daniel Ek épousa Sofia Levander, sa partenaire de longue date avec qui il a eu deux enfants. Un mariage qui a eu lieu sur les bords du lac de Côme en Italie (dans les décors de l’épisode 2 de Star Wars) en compagnie de stars de la tech comme Mark Zuckerberg, de la musique comme Bruno Mars ou du cinéma comme Chris Rock. Le patron de Spotify appelle son pays à des réformes libérales sous peine qu’à terme son entreprise se développe bien plus à l’étranger que sur ses terres d’origine. « C’est fou pour nous que l’Europe, qui a une population plus importante que les États-Unis, n’ait pas une seule compagnie de la taille d’un Facebook, Google, Apple, Microsoft ou Amazon », s’étonne-t-il. Spotify sera-t-elle la première start-up européenne à plus de 100 milliards de dollars?

Avare de déclarations publiques, discret, aussi indéchiffrable que les comptes de Spotify et ses montages financiers qui mènent de Suède à Chypre en passant par le Luxembourg, Daniel Ek – son nom signifie « chêne » – colle au récit miraculeux de son entreprise. « Il est timide, vient d’un milieu ouvrier, de Rågsved (une banlieue de Stockholm), s’est très jeune intéressé aux ordinateurs et à la musique. Le porte-drapeau idéal », analyse pour l’AFP Pelle Snickars, coauteur d’un essai sur Spotify à paraître intitulé « La licorne suédoise », du nom de ces startups non cotées valorisées au-delà du milliard de dollars. 

« Ni les succès, ni les échecs ne sont pour moi les plus grands enseignements, mais la prise de conscience que, quel que soit le passé, il y a toujours de nouvelles choses à apprendre», écrit Daniel Ek. Ou encore : « Passion, persévérance et détermination donnent souffle à nos rêves jusqu’à ce qu’ils deviennent réalité ».