C’EST Gilles Jacob, un ami de l’acteur et ancien président du Festival de Cannes, qui a transmis le communiqué di décès de Michel Piccoli à la presse. Celui qui a tourné dans plus de 150 films avait notamment obtenu le prix d’interprétation masculine pour « Le Saut dans le vide » au Festival de Cannes en 1980. Malgré quatre nominations aux César (1982, 1985, 1991, 1992), il ne remporta jamais le prix du meilleur acteur. De même qu’aux Molière où il a été nominé deux fois (2006 et 2007) pour le Roi Lear en tant que meilleur comédien mais sans avoir été choisi.
Une remarquable longévité
Révélé par « Le Mépris » de Godard (1963) où il forme un couple de légende avec Brigitte Bardot, l’acteur a promené son physique de séducteur aux sourcils broussailleux dans plus de 150 films, du provocateur de « La Grande Bouffe » au pape en proie au doute d’« Habemus papam » (2011), son dernier grand rôle à l’écran. D’une remarquable longévité, sa carrière est indissociable des films de Luis Buñuel et de Claude Sautet.
Sous la direction du premier, il a interprété des personnages troubles (« Le journal d’une femme de chambre », « Belle de jour », « Le charme discret de la bourgeoisie ») avant de devenir une incarnation des Trente glorieuses, immuable clope au bec, chez le second, dans les années 70 (« Les choses de la vie », « Max et les ferrailleurs », « Vincent, François, Paul… et les autres »). Éclectique dans ses choix, il a également tourné sous la direction de Renoir, Resnais, Demy, Melville, Varda et Hitchcock.
Une voix qui tonne ou ensorcelle. Grand, brun, dégarni avec les ans, voix qui tonne ou ensorcelle, ce personnage énigmatique, s’est « régalé à jouer l’extravagance ou les délires les plus troubles, à casser (son) image », disait-il, avant de se lancer lui-même dans la réalisation, à 70 ans. Son rôle dans « La Grande Bouffe » de Marco Ferreri, un des plus gros scandales du festival de Cannes, en 1973, en est la preuve. Il y incarne un participant à un séminaire gastronomique se transformant en orgie scatologique et nihiliste.
Son refus des plans de carrière, son côté « anti-star » l’ont amené également à tourner des films d’auteur: Leos Carax, Jean-Claude Brisseau, Jacques Doillon. En 1990, il campait avec gourmandise un personnage de grand bourgeois fantasque dans « Milou en mai » de Louis Malle. Peu à peu disparu des écrans, ce grand pudique, né en 1925 dans une famille de musiciens, lèvera un coin du voile à plus de 90 ans dans un livre d’entretiens avec son ami Gilles Jacob (« J’ai vécu dans mes rêves »). Il y confiait son angoisse de ne plus pouvoir travailler: « On voudrait que ça ne s’arrête jamais et cela va s’arrêter (…) c’est très difficile ».
Les hommages à la télé. France 2 a diffusé le mardi 12 mai en deuxième partie de soirée « Vincent, François, Paul et les autres », réunissant à l’écran Michel Piccoli, Yves Montand et Serge Reggiani. Le film se penche sur les déboires d’une bande d’amis, souvent autour d’une bonne table. Autre classique de Claude Sautet : « Les choses de la vie », où Piccoli incarne un homme partagé entre sa maîtresse (Romy Schneider) et sa femme dont il est séparé (Lea Massari), sera sur Arte dimanche soir, avant un documentaire consacré au comédien. La chaîne diffusera également en ligne (jusqu’à mi-octobre) « La belle noiseuse » de Jacques Rivette, avec Emmanuelle Béart, film qui lui vaudra une nomination aux César. OCS Géants a choisi de lui rendre hommage avec « Le Mépris », le film de Godard qui l’a révélé en 1963, suivi en deuxième partie de soirée de « La poudre d’escampette » (les deux films seront aussi disponibles à la demande sur OCS).