Le Parlement européen doit adopter ces prochains jours un projet pour la prochaine politique agricole commune (PAC), outil majeur d’orientation de nos systèmes agricoles et alimentaires. Il s’agit de la première étape du processus qui conduira à la PAC post 2020. Le texte discuté n’est pas à la hauteur des enjeux et pire encore, à quelques jours du vote, les trois principaux partis viennent de s’entendre pour que rien ne change sur le fond!
La crise que nous traversons révèle pourtant le besoin d’une réponse politique forte face aux urgences écologiques et sociales. L’agriculture et l’alimentation, qui sont au carrefour des défis qui s’imposent à nous, devraient être au cœur des projets du «monde d’après».
Souveraineté alimentaire
La future PAC doit tout d’abord s’occuper de nourrir tout le monde. L’explosion de la précarité causée par le Covid nous impose de revoir notre système alimentaire. Une situation où des paysan·ne·s sans revenu essaient de vendre des produits toujours moins chers à des consommateurs qui n’ont plus les moyens de les acheter, est une impasse. Une PAC qui a pour seul objectif «des prix bas» ne fait qu’aggraver les choses. Nous demandons au contraire de refonder la PAC sur un véritable projet de démocratie alimentaire. Pour exemple, les productions de fruits et légumes, pourtant essentielles pour l’alimentation de nos concitoyens·nnes, restent complètement absentes des politiques publiques dont la PAC fait partie.
La PAC est en outre un outil majeur pour construire notre souveraineté alimentaire. Mais plutôt que les pousser dans des impasses, elle doit protéger les paysan·ne·s et, en premier lieu, leur revenu. Les exemples des filières laitière et sucrière témoignent des problèmes provoqués par les dérégulations successives, aux conséquences dramatiques sur les prix. L’insuffisance d’harmonisation fiscale, sociale et environnementale européenne met les paysan·ne·s en compétition. Cette situation doit cesser : une harmonisation de ces normes par le haut, s’impose. Des mécanismes de régulation de marchés et de maîtrise des volumes doivent donc être remis en place. La poursuite des signatures d’accords de libre-échange est de plus une insupportable provocation, elles doivent cesser.
«Relocaliser nos productions», tout le monde en parle, mais ça suppose d’avoir des paysan·ne·s nombreux sur tous les territoires. Or la PAC, dont le budget est majoritairement distribué en fonction de la taille des fermes, est la principale raison de la diminution du nombre de paysan·ne·s et du non-renouvellement des générations. Alors que la moitié des agriculteurs partira à la retraite d’ici dix ans, face aux vagues de suppressions d’emplois, l’agriculture et l’alimentation constituent un potentiel réservoir d’emplois qui doit être saisi. La Confédération paysanne fixe l’objectif d’un million de paysan·ne·s en France dans dix ans. Pour l’atteindre, orientons les soutiens vers les actifs plutôt que vers les hectares ! Ensuite, la PAC continue d’encourager un modèle agricole contraire à l’agroécologie paysanne, pourtant à même d’apporter des réponses aux défis auxquels notre système alimentaire est confronté. Les objectifs fixés par le «Green Deal», en matière de réduction d’utilisation de pesticides, d’engrais azotés et d’augmentation de la part d’agriculture biologique constituent des étapes importantes. Objectifs portés d’ailleurs par la Convention citoyenne pour le climat. Sans une PAC qui décline ces objectifs – ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui – il nous sera impossible de relever ces défis.
Occasion historique
Enfin, nous sommes particulièrement inquiets de la dérive «technologiste» que pourrait prendre la PAC, via le soutien à l’agriculture de précision et la digitalisation. Si demain, les paysan·ne·s auront besoin de nouvelles techniques et formes d’organisations, ces innovations doivent d’abord renforcer leur autonomie et valoriser leurs savoir-faire, non leur créer de nouvelles dépendances. Malheureusement, la PAC que le Parlement européen s’apprête à voter a toutes les chances d’être très éloignée d’une politique agricole et alimentaire commune (PAAC) dont les quelques propositions ci-dessus esquissent les grandes lignes, et que nous portons au côté du collectif citoyen de la plateforme pour une Autre PAC. Elle risque de demeurer une politique de rente inacceptable, inefficace d’un point de vue social, alimentaire et écologique.
Voilà pourquoi, nous en appelons à tous les député·e·s européen·ne·s qui s’apprêtent à voter. L’occasion est historique, les circonstances l’exigent et les défis à relever urgents : c’est maintenant que les choix politiques qui s’imposent doivent être pris, soyons plus ambitieux !